MEILLEURS VOEUX 2021
"Le sésame fleurit, noeud après noeud, en partant du bas"
Publié le 01/01/2021
Des éléments de langage à l’injustice sociale, en passant par les animateurs télé
Sans doute est-ce un phénomène entretenu par les journaux d’information qui tournent en boucle sur nos écrans : les abus de langage sont de plus en fréquents et finissent par ne plus donner sens à rien. Pourtant, compte tenu de la crise que nous traversons, nous avons plus que jamais besoin de redonner du sens à nos actes autant qu’à nos paroles.
Nous sommes bien sûr habitués, même si cela est affligeant, à ce que les journalistes, plus « présentateurs » que véritables « investigateurs », mais tout de même censés appartenir au monde des gens de lettres, massacrent quotidiennement notre langue. Nous nous habituons aussi à ce que leurs invités répètent à tout bout de champ et sans craindre de se montrer ridicules, le nom de celui qui les interroge, comme s’ils craignaient de l’avoir oublié. Et si l’interview porte sur une actualité endeuillée, ils commenceront systématiquement et de la manière la plus artificielle qui soit, par « adresser leurs pensées aux familles des victimes », comme pour se débarrasser d’une formule de politesse imposée et, de facto, sans une once de sincérité. Enfin, journalistes et invités ont également développé la pratique d’une terminologie de convenance, élaborée avec un vocabulaire jusqu’ici inusité. Des mots qu’ignorait le langage courant ont soudain émergé, s’imposant sans raison particulière, sinon par un étrange effet de contagion. Des termes qu’il est politiquement correct de glisser à toute occasion, si l’on veut avoir l’air d’être « dans le coup », de « faire partie de », ou simplement prouver qu’on a su les intégrer et se plier ainsi à un nouvel effet de mode.
Bien sûr, je ne fais pas ici référence à des vocables tels que « Pandémie », « Virus », « Confinement » ou « Épidémiologie », dont l’omniprésence récente dans notre quotidien est hélas pleinement justifiée par l’actualité sanitaire. Mais, n’avez-vous pas cédé aux charmes du paradigme (qu’il est de bon ton de vouloir changer) ; du régalien, couronné d’une légitime ou illégitime (c’est selon) autorité ; des sachants, dont on découvre chaque jour nouveau qu’ils ne savent pas grand-chose ; des écosystèmes (familiaux, sociaux, politiques…) qui se sont substitués aux « environnements » (sans doute trop galvaudés à cause de ces satanés écologistes ) ; du fake, supposé nous apprendre à distinguer le vrai du… fake ; ou, plus récemment, à la suite d’un montage très suspect diffusé massivement sur les réseaux sociaux, du complotisme, dont on taxe à tort et à travers nos contradicteurs.
J’arrête là une liste qui pourrait être longue de ces nouveaux éléments de langage qui, pour être franc, ont justement le don de ne pas « dire » grand-chose de nouveau. Ils appauvrissent notre registre lexical – à la façon dont certaines espèces invasives, dans le monde animal ou botanique, appauvrissent la biodiversité – tout en nous procurant, paradoxalement, l’illusion d’appartenir à une élite intellectuelle et savante.
Un célèbre animateur d'émissions télévisés qui ne s'est jamais vanté d'appartenir à ladite élite, a récemment déclaré à propos de la pandémie actuelle : « Ce virus détruit les malades et les faibles. Je me demande s’il est là par hasard, tout simplement... C’est très complotiste, mais je l’assume ».
C’est astucieux de sa part : il « dégonfle l’objection » avant même qu’on ne la lui reproche, en se taxant lui-même de complotiste. On ne pourra en tout cas pas lui reprocher son manque de lucidité ! Toutefois, et sans pour autant soutenir ni encourager son propos, il est dommage de jeter trop vite « le bébé avec l’eau du bain », à l’instar des nombreux medias qui se sont empressés de relever sa déclaration, la condamner au titre, donc, du complotisme, et l’oublier aussitôt après pour passer à autre chose.
Une fois de plus, utilisons les mots pour ce qu’ils sont, autrement dit pour le sens qu’ils portent tel qu’il est communément admis. Puisque complot il y a, rappelons que ce vocable induit deux idées : celles de vérité et de mensonge ! Il faut un fonds de vérité pour que le complot soit « crédible » et une part de mensonge pour que la « manipulation » soit possible.
Dans le propos de l’animateur vedette où se situe la part de vérité, celle du mensonge ? On peut penser, a priori, que la mortalité évoquée entre dans la « colonne » vérité. De même le fait que les personnes fragiles et démunies sont les victimes. Le mensonge vaudrait donc pour la remise en cause du hasard que sous-entend la déclaration. En effet, s’il n’y a point de hasard, c’est qu’il y a préméditation ; un plan criminel. D’où l’idée de complot.
Il serait donc intéressant de comprendre (si tant est que ce soit possible) ce qui, parmi les informations dont nous disposons, amène cette personne à penser ainsi.
S’il y a « préméditation » et que les vistimes visées sont les plus faibles et les plus démunies, les « criminels » sont donc forcément puissants et riches. C’est à ceux-ci que « profiterait le crime ».
Peut-on dès lors identifier un quelconque profit à tirer de la triste situation actuelle ? Comprenons bien que le profit en question est nécessairement substantiel, compte tenu du risque encouru par les supposés « criminels ». Personne n’est en effet totalement à l’abri du virus.
Personne, non, mais certains tout de même plus que d’autres ! Lorsque l’on vit au cœur d’un magnifique domaine privé couvrant plusieurs hectares, le risque d’être contaminé est probablement moindre que lorsque l’on vit à sept dans un deux-pièces. Woody Allen l'affirme : Mieux vaut être riche et bien-portant que pauvre et malade ! Quant au profit substantiel, des informations récentes semblent justement nous fournir quelques indices à ce sujet.
Indice 1 Le 7 avril dernier, le très sérieux magazine Forbes nous révélait les noms des 2095 milliardaires dans le monde en 2020. Ils représentent moins de 0,00003% des 7,8 milliards d’individus peuplant la planète, et leur richesse nette cumulée est de 8000 milliards de $. La richesse moyenne mondiale par adulte en 2020 est, elle, estimée à 76 984$ (source allnews), soit 50 000 fois moins que celle moyenne de nos milliardaires.
Indice 2 Toujours selon Forbes, au cours de la décennie écoulée, et donc juste après la Grande Récession (de 2008) la fortune collective des milliardaires a augmenté de 229% (en 10 ans). Ce qui semble confirmer la logique qui veut que les crises bénéficient davantage aux personnes déjà fortunées plutôt qu’aux démunis.
Mais quel lien avec la pandémie de 2020 et en quoi celle-ci aurait-elle touché différemment riches et pauvres ? Indice 3 (L’indice) Bloomberg nous informe que la richesse des milliardaires américains et britanniques a augmenté de 25 % à décembre 2020 (maintenant) en comparaison de décembre 2019 ! Autrement dit, pendant toute la période de crise sanitaire.
Indice 4 L’AFP précise cette semaine que celle des milliardaires australiens (où l’économie n’est pourtant pas au mieux de sa forme) a elle augmenté de… 52.4% ! (toujours sur l'année 2020).
Comment est-ce possible ? Comment ces 2000 grosses fortunes arrivent-elles non seulement à échapper à la lourde crise économique que subissent l’ensemble des pays depuis douze mois et, même mieux, continuent de s’enrichir à ce rythme effréné ?
Pour certains de ces milliardaires, la réponse est évidente (source Forbes)* : Jeff Bezos, devenu N°1 avec ses 113 M$, est le patron d’Amazon, une des sociétés qui aura le plus profité de la crise de la Covid19.
Bill Gates, passé N°2 (98 M$), grand promoteur des vaccins depuis longtemps, possède d’importants intérêts dans des laboratoires et centres de recherches.
Bernard Arnault, N°3 et 1er milliardaire français, a vu sa fortune (familiale) grimper à 76 M$ en 2020 ! Cela a été dit et répété : l’industrie du luxe a elle aussi très bien tiré son épingle du jeu au cours de cette crise. Ce qui semble normal puisque l’essentiel de sa clientèle est constitué de ces milliardaires évoqués ici. * (au 7 avril. Depuis, le classement a encore changé, avec l'arrivée d'Elon Musk à la seconde place du podium).
Ainsi, pour revenir à la déclaration « complotiste » qui nous intéresse : le crime est prouvé, les victimes sont identifiées, ses bénéficiaires également. Mais de là à laisser entendre que ces hommes riches et puissants aient intentionnellement déclenché une pandémie pour s’enrichir, ce serait évidemment le pas de trop à ne pas franchir. Une accusation aussi peu vraisemblable qu’acceptable moralement et en l’état.
Seulement, on peut comprendre la rancœur de ceux qui souffrent, à l’égard de ceux qui continuent de mener grand train. Nous vivons dans un monde libéral, et il n’y a dans tout cela rien de répréhensible. Sur un plan moral, c’est peut-être une autre question.
Cela a aussi été dit : un très modeste pourcentage de ces immenses fortunes aurait suffi à garantir à tous les systèmes de santé les moyens dont ils ont terriblement été privés.
Les personnes les plus à risque, les plus exposées - les fameux travailleurs prioritaires, les personnels de santé... - qui ont tant contribué à notre mieux-être pendant cette période, n’ont aucune chance de voir, elles, leur fortune augmenter de 25% et encore moins de 54% !
Les mille milliards de dollars qui ont été engrangés par une toute petite frange de la population ont bien été pris quelque part, en particulier à ceux, très nombreux, qui ont tout perdu.
Les contournements de la réglementation fiscale, dont usent et abusent les entreprises qui appartiennent à ces milliardaires, constituent un considérable détournement des richesses pourtant dédiées à la collectivité. Et lorsqu’un Bill Gates ou un Warren Buffet appellent publiquement leurs amis milliardaires à payer davantage d’impôts, ils oublient de donner l’exemple, et continuent de pratiquer à outrance « l’optimisation fiscale » à travers, notamment, leurs fondations.
Enfin, que dira-t-on lorsque viendra le temps de tirer le bilan des différentes subventions accordées à titre exceptionnel par plusieurs gouvernements, du fait de la crise. Ces subventions, nombreuses et variées, sans doute indispensables, notamment pour les compensations salariales et éviter les faillites, sont financées par des deniers publics. Il semble pourtant qu’elles n’aient pas bénéficié à tous de façon très égale. Pire, combien d’entreprises ont continué de verser des dividendes à leurs actionnaires, alors même qu’elles encaissaient d’importantes subventions ?
Mais, après tout, l’immoralité et l’hypocrisie ne sont pas des crimes aux yeux de notre société, tout juste des « défauts » que la richesse a, de tout temps, eu le pouvoir de faire absoudre.
Dans ma chronique du 1er octobre dernier (intitulée Trump ou Levinas ?) je rappelais que 50% des doses de vaccins anti Covid 19 à venir (à l’époque) avaient été préachetées par un petit groupe de pays riches ne représentant que 13% de la population mondiale ! Une information confirmée aujourd’hui, puisque l’on apprend que seul un tiers des nations s’est partagé les doses disponibles. Certaines, comme le Canada, avec un appétit particulièrement féroce : 40 millions de doses réservées chez le seul Moderna (source Tweet Justin Trudeau 24/12/2020), pour une population de… 38 millions de personnes. Tandis que les deux autres tiers des pays devront attendre 2022 et peut-être 2023 avant de pouvoir eux aussi bénéficier de vaccins et espérer stopper l’épouvantable mortalité dont ils sont victimes.
Alors, s'il ne s'agit pas d'un crime, au sens légal du terme, cela y ressemble fichtrement. Et la part de sous-entendu "complotiste" que contient le propos de cet animateur est évidemment inacceptable en l'état, mais la part de vérité sur laquelle il s’appuie porte un poids considérable.
Les journalistes ont mille fois raison de dénoncer les thèses complotistes et leurs effets néfastes sur une part de la population. Mais ils devraient également admettre que ces thèses ne trouvent leur place dans le dialogue social que grâce au vide laissé par… le manque d’informations !
Publié le 31/12/2020
Au Pays du Roi Morvan
Comme si souvent, en Bretagne, ce seul nom porte à rêver : le Pays du Roi Morvan. C'est là que je devrais dédicacer quelques ouvrages lors du Salon du livre organisé les 23 et 24 janvier prochain. Journées précédées par deux autres (21 et 22) consacrées à des interventions dans les établissements scolaires de la région : magie des échanges avec des CM (Ecole de Séglien) et "sérieux" de celles avec les 6èmes du Collège Chateaubriand de Gourin puis les 5èmes du Collège JC Carré à Le Faouët.
C'est une joie pour moi de retrouver toute l'équipe du Centre pédagogique du Pays du Roi Morvan, avec laquelle j'avais déjà collaboré il y a deux ans.
L'évolution sanitaire dans notre pays n'est hélas guère optimiste et ne peut, à ce jour, garantir que ces événements auront bien lieu. Mais... croisons les doigts ! (ce qui n'est pas si pratique pour mettre un masque :)
Publié le 31/12/2020
En appeler à la responsabilité collective. Est-ce bien sérieux ?
En situation de crise, la tentation est grande pour les gouvernements des démocraties occidentales de faire appel à la responsabilité collective des citoyens. Serait-ce une façon de botter en touche lorsqu’il s’agit de trancher entre le respect des libertés individuelles et l’efficacité de l’action collective ?
Il serait difficile, aujourd’hui, d’ignorer les fameux « gestes barrières » et/ou nier leur utilité face à la pandémie qui frappe la planète depuis un an. Pourtant, nous restons chaque jour témoins de comportements que l’on qualifierait volontiers d’irresponsables. Cela nous avait frappés, il y a quelques mois, au temps où les bars étaient encore ouverts. Malgré les consignes, les terrasses étaient pleines de consommateurs collés les uns aux autres, buvant, criant et, surtout, échangeant leurs miasmes à pleine dose. Ce qui nous a valu : - une forte reprise des contaminations - la fermeture des bars, même ceux qui avaient respecté les consignes - celle des restaurants, qui n’étaient pourtant pas en cause et avaient lourdement investi pour garantir de bonnes conditions d’accueil à leurs hôtes - et un reconfinement général qui a lourdement grevé notre économie, épuisé le moral des Français, augmenté le nombre de drames familiaux et les faillites de petites entreprises.
Imaginant sans doute que cette dure leçon calmerait les esprits et suffirait à convaincre tout un chacun de l’utilité des masques, de la distanciation physique, du danger des regroupements en vase clos, de la nécessité de se laver constamment les mains, laisser aérer vêtements et appartements... le gouvernement a décrété (à juste titre) la fin du déconfinement, mais en faisant une fois de plus appel à la responsabilité de chacun (sous-entendu : à l’égard de la collectivité).
Il fallait s’y attendre, le besoin de « respirer » a de nouveau été le plus fort, renvoyant les masques dans leurs boîtes, et donnant lieu à des scènes incroyables de fêtes privées, dépassant parfois la centaine de personnes, au mépris de toute consigne sanitaire.
Notre gouvernement, qui tente « en même temps » de préserver la chèvre et le chou, a entendu ce message d’une minorité à vouloir« faire la fête », « s’éclater » quel qu’en soit le prix à payer, pour soi et pour les autres. Mais il semble impuissant à lui apporter une réponse. Au moins essaie-t-il de limiter un peu les dégâts en imposant le couvre-feu pour le dernier soir de l’année, celui de tous les dangers. En attendant que la vaccination soit lancée et ait, possiblement, démontré son efficacité à immuniser la population sur le long terme, chacun semble donc résigné à devoir mener une vie en forme de « montagnes russes », de vague en vague, de confinement en confinement.
L’Australie est un autre bel exemple de ce difficile exercice de la démocratie. Alors que la pandémie semblait éteinte sur la grande île-continent, de nouveaux cas ont récemment été détectés dans la région des Northern Beaches, proche de Sydney, dans les Nouvelles Galles du Sud (NSW). Cela a donné lieu à des consignes locales de reconfinement. On peut dès lors comprendre le choc des Australiens quand ils ont découvert, par les medias, les images des fêtes de Noël organisées sur les magnifiques plages au nord de la capitale provinciale. Des centaines de personnes dansant serrées comme des sardines, à visage découvert, braillant et buvant pour… fêter Noël. Parmi elles, il y aurait une majorité de visiteurs étrangers (backpackers). Ce qui a conduit le ministre de la santé à se déclarer épouvanté par une telle attitude et ses conséquences potentielles, et un député à exiger que l’on utilise des outils de reconnaissance faciale pour identifier les fêtards et les expulser du territoire !
Et lorsque, en France, on interroge les personnes autour de soi, il semble qu’une large majorité se dégage quant à la crainte de débordements identiques à l’occasion du Nouvel An. Un biais cognitif suffit-il à expliquer ce sentiment majoritaire ? C’est très possible. Mais cela démontre tout de même un grave décalage entre l’inquiétude de beaucoup et la confiance du gouvernement en une possible et réelle responsabilité collective.
Une telle crise (du manque) d’autorité, (du manque) de confiance pourrait hélas favoriser une attente de plus en plus large en faveur justement de mesures autoritaires (outils de reconnaissance faciale, état d’urgence, loi de sécurité globale, passeport sanitaire…) concernant la totalité des Français, y compris ceux qui n’y sont pas favorables, pour juste contrer une minorité « incomprise ».
Je constate qu’un avantage de cette crise est de nous placer face à nous-mêmes. Elle nous contraint à nous auto-analyser, individuellement comme collectivement et, par cette re-connaissance, à redéfinir notre conduite à venir, dans une société plus équilibrée, qui ne cède ni au chant des sirènes libertaires, ni aux louanges des excès totalitaires.
Publié le 28/12/2020
Le combat chinois pour préserver l’environnement
Comme je le rappelais dans ma rubrique de lundi dernier (sur les traités commerciaux Chine-occident), l’Empire du Milieu est un des rares pays qui semble vouloir coller à ses engagements en matière de politique environnementale. Davantage en tout cas que la France ou les États-Unis.
Il entend atteindre son pic d’émission de CO2 d’ici 2030 et une neutralité carbone en 2060 ! Un challenge particulièrement ambitieux du fait de son immense population (supérieure à celles des USA et de l’Europe réunies) et des énormes besoins de consommation qui en découlent. Nous devons aussi prendre en compte la situation d’où part la Chine qui, il y a seulement deux décennies faisait encore partie des « pays en voie de développement » et avait choisi de devenir « l’usine du monde occidental » en sacrifiant son territoire aux activités lourdement polluantes auxquelles rechignaient les puissances de l’Ouest. Mais, désormais, le virage de la reconversion vers les activités du tertiaire et des services est largement entamé, jusqu’à entraîner des délocalisations d’entreprises chinoises vers d’autres pays.
L’environnement est devenu un sujet central dans le quotidien des chinois, avec un gouvernement résolu à améliorer la qualité de vie de ses concitoyens, et de nombreuses associations non gouvernementales promptes à dénoncer les manquements et les inconduites d’entreprises ou de fonctionnaires corrompus.
C’est d’ailleurs une fois de plus sur sa population que le pays compte pour atteindre ses objectifs. Entreprises et particuliers sont mis à contribution pour réduire la consommation d’énergie, en particulier d’énergie fossile. C’est déjà le cas dans l’est du pays (région de Shanghai) et le centre, où les températures ne sont pourtant pas clémentes en hiver. Les coupures d’électricité y sont désormais fréquentes : diminution des horaires d’éclairage public ainsi que du chauffage. Les employés de bureau doivent prévoir de s’habiller chaudement ; plusieurs usines ont fermé ou réduit leur activité.
Les projets chinois pour le développement de la production d’énergies propres (solaire, éolien…) sont pléthore et entrepris à une très grande échelle. Il s’agit donc d’un cap à passer pendant lequel la population comme les entreprises devront patienter avant de pouvoir retrouver une pleine consommation et une pleine production… sans plus épuiser la planète.
Publié le 27/12/2020
Et pourquoi pas un peu de poésie classique chinoise pour illustrer cette veille de Noël ?
Le nombre « trois » est consubstantiel de la construction de la pensée chinoise. Voici donc trois courts poèmes qui se complètent pour illustrer l’idée d’un Noël nous privant de la présence de ceux que l’on aime, du partage et de la joie que l’on en tire.
Pas très « gais », seriez-vous en droit de penser en première lecture, surtout pour une période de fêtes. Mais la poésie porte un message droit à notre cœur ou, sinon, passe par l’esprit, offrant à celui-ci de méditer une pensée capable de l’éclairer, de l’éveiller, selon notre disponibilité. Elle n’est jamais totalement « inutile », pas plus que ne l’est le sens de cette fin d’année sous contraintes.
La première de ces courtes élégies est tirée du Zhuang zi et la deuxième du Guanzi, datant tous deux de l’époque lointaine des Royaumes combattants. La dernière est du poète Liu Yong, période plus récente de la Dynastie Song.
Chacun connaît l’utilité de ce qui est utile Personne ne connaît celle de l'inutile
Sous le ciel, ne pas redouter le manque de richesses Redouter l’absence de partage
Froide est la fête pour ceux restés séparés Loin de l’être aimé le chagrin est amplifié Pas de chaleur à partager
Espérons que ce Noël particulier restera exceptionnel dans nos mémoires et que nous retrouverons, dès 2021, les moments plus festifs auxquels nous aspirons tous, partagés avec ceux que l’on aime. Seul(e) ou en comité restreint, je souhaite que ce « vide » inattendu s’emplisse de la pensée des êtres qui vous sont chers et du bonheur de les retrouver bientôt.
§ Joyeux Noël à tous Shengdan kuaile Merry Christmas §
Publié le 24/12/2020
Les surprises de Noël du… dérèglement climatique
Vous l’aurez noté, plusieurs départements de l’hexagone vivent un début d’hiver placé sous le signe d’une extrême douceur (en moyenne : 15 degrés au-dessus des fameuses « normales saisonnières »).
Ah, comme il semble loin le temps où les rues de la capitale étaient couvertes de neige et de verglas, offrant le spectacle d’auto tamponneuses et de piétons pratiquant la luge sur leurs fesses, bien malgré eux. Les guirlandes de Noël, les arbres, la tour Eiffel se couvraient alors d’une cape de givre du plus bel effet sous les rayons du soleil. Mais, comme le chantait Aznavour, « je vous parle d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître ». Cela fait en tout cas quelques années que doudounes et snow-boots végètent dans la naphtaline, au fond des placards.
Pour autant, la France est loin d’être le seul pays concerné par les dérèglements du climat !
Ainsi la Floride, au sud des États-Unis, région particulièrement clémente question météo, où la température attendue pour ce Noël avoisinera… 0° ! Ses habitants peuvent-ils dès lors espérer recevoir du ciel ce qui nous manque tant pour construire nos bonhommes de neige : de belles chutes de flocons blancs ? Pas exactement.
Selon un récent bulletin du très sérieux Bureau National de la météo de Miami : « Des températures très froides sont attendues pour Noël, entre 0 et 4°C, avec de possibles chutes d'iguanes. Faites attention et restez au chaud ! »
Oui, vous avez bien lu : des chutes d’iguanes ! Ce saurien, qui vit aussi dans les arbres, est un animal à sang froid. Aussi, quand les températures chutent, il se « congèle » peu à peu et finit lui aussi par… chuter ! (Ils se rétablissent dès que la chaleur revient). La Floride avait ainsi déjà connu des « pluies » d’iguanes en 2018, année où les températures avaient également beaucoup chuté.
Plus que jamais, et surtout en Floride, il est donc recommandé de « sortir couvert ».
Publié le 23/12/2020
Inviter Marco Polo à partager notre Noël ?
Noël est une période que la tradition voudrait joyeuse, un temps de bonheur partagé par tous.
Je n’en ai jamais très bien compris la raison, gardant au fond de moi une certaine méfiance pour ces bonheurs à date fixe, un calendrier curieux aux motivations mystérieuses, qui semble ainsi condamner les autres jours de l’année à davantage de morosité. Mais, toujours au fond de moi, subsiste une étincelle, une lueur d’espoir. Celle de ressentir enfin, véritablement, la « magie » de Noël.
Si, faute d’une foi personnelle, ce jour (ou cette nuit) n’est pas vécue comme un temps de célébration (comme le voudrait la tradition chrétienne), qu’elle le soit comme un rituel, sans doute archaïque, propre à réactiver une flamme, un feu au cœur de l’hiver. Une incarnation du jeu subtil de l’ombre et de la lumière au sein de la création. L’idée qu’au moment le plus sombre subsiste une infinitésimale lueur dont la puissance reste infinie.
Alors oui, cette pensée suffit à égayer Noël, que l’on soit riche ou pauvre, jeune ou vieux, croyant ou athée. Oui, elle est facile à partager. Oui, elle est magique, car le bonheur qu’elle nous procure est proportionnel au malheur que nous traversons.
J’ai, avec mon épouse, assisté il y a longtemps, au lever du soleil, depuis le sommet de la montagne sacrée du Taïshan, en Chine, dans la belle province du Shandong. Cela a été une des émotions les plus intenses de notre vie. Il était cinq heures du matin, nous étions gelés, perchés sur notre rocher, fatigués après une journée d’ascension (plus de 6 600 marches hautes de 50 centimètres) et une courte nuit sur une couchette en bois. En apparaissant sur la ligne d’horizon, les premières lueurs du soleil ont réchauffé notre cœur en même temps qu’elles réchauffaient l’azur et le paysage qui s’étendait à l’infini devant nous. Ce soleil portait avec lui ni plus ni moins que la vie ! Il nous reconnectait à une émotion archaïque, ressentie par nos lointains ancêtres à la découverte… du feu.
Je dois sans doute aussi au grand Marco Polo de penser Noël de cette façon. En découvrant son Livre des Merveilles, également intitulé Le Devisement du monde, je suis resté béant d’admiration devant les incroyables aventures vécues par ce jeune homme parti de Venise à l’âge de 17 ans et qui n’y est rentré que 24 années plus tard, après avoir parcouru le monde : St Jean d’Acre, l’Arménie, la Perse, l’Asie centrale, les confins de l’Himalaya, la Mongolie, la Chine, la Birmanie, le Vietnam, la Malaisie, le Sri Lanka et tant d’autres régions encore. Les témoignages, les anecdotes, les descriptions minutieuses qui composent cet incomparable et ô combien précieux carnet de voyage marquent nécessairement la mémoire de ceux qui prennent le temps et le plaisir de le lire.
J'ai conservé dans la mienne un passage en particulier, celui de sa découverte de la Perse. Après avoir traversé des régions d’obédience chrétienne et/ou musulmane, Marco Polo pénètre sur les terres des « Adorateurs du Feu », non loin de Kashan et de Qom. Là, lui est narrée l’histoire des « Trois Rois-Mages ». Marco Polo décrit leurs tombeaux, dans la ville de Sara, d’où ils sont partis pour offrir leurs présents au nouveau prophète qui venait de naître. L’un portait l’or, au cas où l’enfant aurait été roi, le deuxième la myrrhe, s’il était médecin, le dernier l’encens s’il était un dieu. Après l’avoir vu, ils lui ont donné les trois ! En échange, ils ont reçu une boîte contenant le feu céleste. Ils placèrent le feu dans un temple, pour le vénérer comme un dieu. Les autres cités de la région suivirent leur exemple. Ainsi, si le feu venait à s’éteindre en un endroit, il suffisait aux habitants d’aller dans une autre ville, d’y recevoir un peu de feu et de le rapporter en leur propre temple. Ces adorateurs du feu étaient… les Zoroastriens. La religion musulmane s’est par la suite imposée dans la région, apportant avec elle d’autres rituels. Mais cette magnifique symbolique du partage évoquée dans l’histoire des Rois mages est toujours restée associée à Noël.
Alors, si d’aventure vous étiez en manque d’idées pour porter votre présent à l’occasion de ce Noël, pensez à Marco Polo et à son extraordinaire Livre des Merveilles.
Publié le 22/12/2020
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