Etre ou non "Propriétaire"
Dans Le chant des galahs (Éditions Aube Noire), paru l’an dernier, est posée la question de l’appropriation de parties entières de notre planète par des organisations privées. La découpe de la surface terrestre et de ses richesses, comme on le ferait d’un énorme gâteau, ne date pas d’hier et ne cesse de nourrir les fortunes de quelques milliers de milliardaires, au détriment de plusieurs milliards d’êtres humains. Et cela n’est pas fini puisque les jalons sont déjà posés par les plus grandes puissances économiques (privées et publiques) afin de confisquer à leur seul profit les fonds des océans et, déjà, de gros morceaux de la Lune, puis de Mars, à travers les programmes, présentés comme scientifiques, de la conquête spatiale. De fait, le concept de propriété se révèle sans fin, à la fois dans le temps et l'espace, mais aussi quant à la nature des "objets" nourrissant nos appétits égoïstes ; il ne s'agit pas seulement de foncier et de richesses naturelles, mais aussi d'idées, de brevets, d'êtres vivants, et même encore trop souvent... d'êtres humains !
Cette question de la « propriété » semble donc de tous temps. Elle est au fondement des civilisations et les accompagnera certainement jusqu’à leur disparition, puisqu’il apparaît aussi qu’elle est et sera la cause de leur perte.
Il n’est pas étonnant que les anglo-saxons, ardents pionniers de l’ère industrielle, aient majoritairement défendu le droit à la propriété comme étant fondamental, inhérent et donc indissociable de la société civile. À ce jeu, les Français ne se sont jamais montrés aussi brillants (entretenus en cela par l’idée de « peuple romantique »). Peut-être le doivent-ils à leurs philosophes qui ont préféré aux places de marchés celle des livres et des idées. On peut notamment citer Rousseau qui, dès 1754, dans son Discours sur l’origine de l’inégalité, écrivait en visionnaire :
<< Le premier qui ayant enclos un terrain s’avisa de dire Ceci est à moi !, et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile. Que de crimes, de guerres, de meurtres ; que de misères et d’horreurs n’eût point épargnés au genre humain celui qui, arrachant les pieux ou comblant le fossé, eût crié à ses semblables : Gardez-vous d’écouter cet imposteur ; vous êtes perdus, si vous oubliez que les fruits sont à tous, et que la terre n’est à personne. Mais il y a grande apparence, qu’alors les choses en étaient déjà venues au point de ne pouvoir plus durer comme elles étaient ; car cette idée de propriété, dépendant de beaucoup d’idées antérieures qui n’ont pu naître que successivement, ne se forma pas tout d’un coup dans l’esprit humain. Il fallut faire bien des progrès, acquérir bien de l’industrie et des lumières, les transmettre et les augmenter d’âge en âge, avant que d’arriver à ce dernier terme de l’état de nature. >>
Alors, Rousseau était-il un dangereux communiste avant l’heure ? C’est sans doute ce que l’on reprocha à François Noël Babeuf, révolutionnaire français né en 1760, qui défendait lui aussi le droit à l’égalité, était favorable à la collectivisation des terres ainsi qu’à l’abolition de l’esclavage. Ses idées ont donné naissance au Babouvisme, courant de pensée qui, selon les historiens, préfigurait le communisme et l'anarchisme ! Les ardents défenseurs de la propriété privée ne s’en laissèrent pas compter et s’approprièrent… la tête de Babeuf, qui mourut sur la guillotine, en mai 1797.
Lorsque plus tard, le grand Jaurès produit justement un important ouvrage sur l’Histoire de la révolution française, il écrit : « La propriété foncière est mère d'inégalité et de brutalité. » Le socialiste s’accordait-il ainsi aux idées de Rousseau et de Babeuf ? Ce serait une erreur de le croire. En effet, le texte de Jaurès s'harmonise davantage d'accents anglo-saxons en proposant le salut de la société moderne par le passage du mode féodal au mode industriel, allant jusqu’à défendre… le droit à la propriété... industrielle. Voici le texte duquel la phrase citée a été extraite :
<< La propriété foncière est mère d’inégalité et de brutalité. Quand son action est sans contrepoids, elle produit le système féodal qui isole et asservit les hommes, qui morcelle les sociétés et abêtit les paysans. Et bien loin que la propriété foncière puisse être inspiratrice d’égalité ; bien, loin qu’elle puisse propager parmi les hommes la douceur de vivre et l’innocence des mœurs, c’est du dehors seulement et sous l’action de la propriété industrielle qu’elle se transforme et s’humanise. Il a fallu que des artisans, des hommes d’industrie et de négoce, enfermés dans les communes urbaines, arrivent à la richesse et achètent de la terre pour que le lourd monopole féodal cessât de peser sur le sol et sur les hommes, et la propriété foncière ne pourra entrer dans le mouvement démocratique que si elle est comme assouplie et pénétrée d’égalité par la propriété industrielle elle-même. >> Non, c’est un fait, Jaurès n’était ni communiste ni anarchiste.
Et que dire du grand Michel Serres qui, dans son amusant texte, Mal propre, paru beaucoup plus récemment (2008, Ed. Le Pommier), commentait cette question de la façon suivante :
<< Le premier vivant qui ferma un terrain en s'avisant de pisser sur son pourtour devint le premier propriétaire en même temps que le premier des pollueurs. Voilà du Jean-Jacques en version écolo. De la pollution vient l'appropriation et réciproquement. Depuis l'invention de la chasse d'eau-fin du 19è siècle à Londres - et celle du tout-à-l'égout, il devint, en effet, difficile - et fort rare - de pouvoir marquer nos niches par l'urine ; changeant de régime, nous nous rabattîmes sur d'autres techniques, dures et douces. Ne prenant, dans nos comptes, que les premières, nous risquons de ne pas résoudre le problème. Non, je me trompe, tout peut changer. Car, inversement, ne pas polluer, cela équivaudrait à ne point s'approprier ni envahir. >>
Pour revenir à l’Australie, si imprégnée de culture anglo-saxonne, l’île-continent abrite une autre culture, fort ancienne et fort différente. Celle des Aborigènes. Selon celle-ci, le pays, la terre, est l’endroit auquel on appartient, et non l’inverse. Une conception aux « antipodes » de la nôtre, qui a le mérite, en plus de sa simplicité, de résoudre une bonne fois cette question du droit à la propriété et des atrocités commises en son nom. Mais pourquoi faire simple quand on peut… Publié le 11/07/2021
Retour en nature
Avec ce début d’été et les déplacements de nouveau possibles, les envies de retrouver un peu de nature ne manquent pas. À l’instar de centaines de milliers de Français, j’avoue une réelle fascination pour les oiseaux, et je profite de mes déplacements pour, chaque fois que possible, en observer de nouveaux. J’espère juste que les générations futures auront elles aussi cette chance, tant il est vrai que nos pauvres oiseaux sont maltraités : disparition de leur nourriture (liée elle-même à la disparition des insectes, du fait de l’usage toujours trop intense des insecticides), de leur habitat (urbanisation, suppression des haies, diminution des forêts « vivantes »…), et enfin la prédation : chasse, chats, produits toxiques…
À propos de ces trois types de prédation, les faits s’accumulent : - les chats laissés en liberté (nourris ou pas) sont non seulement responsables de la disparition de 160 espèces d’oiseaux à travers le monde, mais surtout continuent de tuer plusieurs centaines de millions d’oiseaux chaque année (ainsi que de millions de reptiles, amphibiens, chauve-souris…). En France, ils en tuent plusieurs dizaines de millions par an. Vous aimez les chats et vous aimeriez malgré tout qu’ils tuent un peu moins ? Pensez à les munir d’un collier doté de signaux visuels et sonores (clochette, bandes de couleur…). C’est simple, et cela permet de réduire la prédation jusqu’à 60%).
- les produits toxiques sont hélas légion. Ainsi les organismes des goélands de l’île de Ré (réserve naturelle de Lilleau de Niges), étudiés par une équipe du CNRS, révèlent une présence inquiétante de substances perfluoroalkylées… des perturbateurs endocriniens qui affectent les organismes vivants. L’usage abusif de ces substances dans toute l’industrie n’a pas fini de nous réserver ses mauvaises surprises.
- la seule bonne nouvelle (mais de taille) vient de la chasse (une fois n’est pas coutume). La France, malgré les nombreuses protestations citoyennes, autorise toujours la chasse à la glu (les oiseaux pris dans ces pièges connaissent une fin atroce) et est même le seul pays en Europe à encore l’autoriser. Mais elle vient enfin de se faire retoquer par la Cour de justice de l’UE qui a jugé illégale cette pratique ! Nombreux sont les politiques qui tirent à boulets rouges sur la Commission Européenne, celle-ci s’est pourtant montrée plus efficace que Mr Dupont-Moretti et le Conseil d’État français.
Pour l’ensemble de ces questions, est-il utile de le rappeler, nous avons la chance de pouvoir aider une association qui se bat « becs et griffes » pour préserver les oiseaux de nos forêts, villes, et campagnes : la LPO dirigée par le très courageux Allain Bougrain Dubourg. N’hésitez pas à découvrir leur site. www.lpo.fr Publié le 30/06/2021
Poème
C’était un homme qui aimait profondément les mots. Jusqu’alors, il avait beaucoup écrit, surtout pour lui-même. Puis il s’est dit, donnant raison à Monsieur Hugo Qu’il était temps d’écrire pour les autres, et aussi pour l’argent, tout de même.
C’était un homme qui aimait profondément les mots. Et sa vie lui avait enseigné que, de deux mots, mieux vaut choisir le moindre. Alors, de déductions en réductions, voire même en soustractions ; mot à mot, Il avait trouvé les mots. Trois moindres mots seulement. Pourquoi et à qui s’en plaindre ?
C’était un homme qui aimait profondément les mots. Il avait retenu « a », modeste mais ambitieux verbe du troisième groupe ; sauvé « y », discret pronom personnel Ainsi qu’une superbe interjection au renflement arrondi de cul de poule, « ô ». Trois mots avec lesquels il tenait enfin l’essentiel.
Cet homme qui aimait profondément les mots Durant des mois, des années, posa « a », lança « y » S’évertua à faire rouler « ô » Et put enfin écrire sa poésie.
Ô Ô a y et y a ô Ô Ô Ô A A A Y Y Y Y a ô et ô a y
Cet homme aimait profondément les mots Mais personne n’aima les siens. Le moindre n’avait plus la cote et le rien encore moins Le poème resta lettres mortes. L’homme ne dit plus un mot.
Depuis ce temps, sur la tombe de l’homme qui aimait profondément les mots Ruissellent les mots par milliers, crus creux ou gros Vains, vides, blessants et empruntés ; en autant de phrases et de formules coulant à flots Jusqu’à inonder le cimetière, puis le monde, que tous ces mots rendent de plus en plus sot.
Publié le 26/06/2021
Mieux vaut être riche et en bonne santé que pauvre et... handicapé
Je souhaite écarter le plus possible les sujets politiques de cette rubrique, considérant que celle-ci ne permet pas de débattre, alors que le principe même de la politique est précisément de passer par le débat (public de préférence). Je choisis pourtant, ce matin, de faire une entorse à cette règle. En effet, ce principe vient d’être bafoué à l’Assemblée Nationale, et pour un sujet éminemment essentiel pour notre société : l’attention que nous portons aux personnes handicapées.
Ayant à cœur de voter, j’attends / espère du gouvernement et de l’ensemble des élus un comportement digne de leur fonction. C’est pourquoi j’ai été profondément bouleversé d’apprendre ce matin que la Secrétaire d'État aux Personnes handicapées, Mme Sophie Cluzel, avait eu recours au Vote Bloqué, (rendu possible par l'article 44 alinéa 3 de la Constitution) pour empêcher que le projet de loi sur la "déconjugalisation" de l'Allocation adulte handicapé (AAH) ne soit voté ni même débattu au sein de l’Assemblée ! Ce projet avait pour but de permettre aux personnes handicapées vivant en couple, de distinguer leurs revenus de ceux de leur conjoint, pour le calcul de l’indemnité qui leur est versée. L’indemnité est en effet automatiquement supprimée si le revenu du conjoint dépasse un certain seuil. Il est sans doute utile de rappeler que le montant de l’indemnité est de… 903€, ce qui est loin d’équivaloir au Smic (1 554€). Ainsi, sur les 150 000 handicapés inactifs (de fait) et vivant en couple dans notre pays, 60% reçoivent une indemnité de 903€/mois et 40% ne perçoivent… rien.
Ce simple « fait divers » (il sera probablement traité comme tel par la majorité des medias) révèle pourtant plusieurs éléments scandaleux : - un montant d’indemnité aussi faible ne permet pas à de nombreuses personnes en situation de handicap de subvenir correctement à leurs besoins. - maintenir cette dépendance à l’égard de leur conjoint est une façon indirecte de placer ces personnes sous tutelle et de leur dénier une « autonomie » qui a, dans ce cas précis, doublement sens. - interdire le débat entre élus du peuple (parlementaires) pour juger de l’intérêt de faire évoluer cette situation est juste inacceptable.
Une pétition en faveur de l’individualisation des revenus avait été déposée sur la plate-forme du Sénat. Elle était ouverte du 10/09/2020 au 10/03/2021. Il fallait atteindre le seuil de 100 000 signatures (c'est la règle) pour que le projet de loi soit débattu. 108 627 signatures ont été recueillies. Pour autant, Mme Cluzel et le gouvernement auquel elle participe ont choisi d’interdire le débat.
Au moins, ce gouvernement démontre une certaine cohérence à l’égard des plus démunis et, en l’occurrence, des handicapés. Rappelons en effet qu’il avait, dès son arrivée au pouvoir, fait annuler l’obligation qui était imposée aux entrepreneurs du bâtiment que 100% des logements neufs soient accessibles aux handicapés, ramenant ce quota à seulement 10% (Loi ELAN, définitivement adoptée au Sénat le 16 octobre 2018).
Si l’on voulait que les personnes en situation de handicap n’aient plus d’existence sociale, on ne s’y prendrait pas autrement. Les chasseurs à eux seuls ont obtenu plus de reconnaissance et d’avantages auprès de notre Président et ses ministres. Étrange gestion des priorités sociales.
Ma propre voix est bien modeste pour dénoncer cet état de fait et, surtout, obtenir que le gouvernement révise sa position. Mais si tous les gars du monde… Publié le 24/06/2021
Un grand bravo à l’UNESCO
L’organisation culturelle internationale est très connue pour ses « registres » sur lesquels sont inscrites les richesses du patrimoine de l’humanité. Œuvres matérielles ou immatérielles, chaque nouvelle inscription provoque la joie et la fierté du pays concerné.
Ce que l’on sait moins, en revanche, c’est que l’UNESCO, qui suit ce patrimoine avec attention, enregistre également, de temps à autre, et tout aussi officiellement, la notion de « mise en péril » lorsqu’elle estime ces richesses en danger.
C’est ainsi que la Grande barrière de corail, qui est sans doute l’un des sites maritimes les plus beaux et les plus précieux au monde, vient d’être déclaré « En péril » par l’UNESCO.
Située dans l’océan Pacifique, où elle s’étend sur près de 350 000 km², elle est le plus grand système corallien ainsi que la plus grande structure vivante de la planète. C’est aussi l’une des sept merveilles naturelles du monde, riche d’une flore et d’une faune exceptionnelles. On y comptabilise pas moins de 3 000 systèmes différents de récifs, 600 îles tropicales et quelque 300 bancs de corail. Un écosystème complexe dans lequel cohabitent plus d’une centaine d’espèces de requins, des tortues de mer, des raies et des millions de poissons de récif.
Mais la Grande barrière de corail est menacée. Les alertes des scientifiques et des écologistes ne datent pas d’hier. Des milliers d’hectares de corail dépérissant (50% des coraux disparus en seulement 30 ans), des signes croissants de pollutions diverses et d’impacts du réchauffement climatique, le poids désastreux des dragages et des rejets en mer… autant de rapports portés à l’attention du gouvernement australien depuis plus de 40 ans. Pourtant, celui-ci n’a cessé de faire la sourde oreille, refusant de donner des moyens à la hauteur du péril à affronter, encourageant au contraire (encore récemment et malgré l’opinion publique) des projets polluants tels que l’ouverture de mines de charbon dans le Queensland. Comment un pays doté d’une nature aussi belle et aussi riche que l’Australie, peut elle cautionner un gouvernement dont la politique en matière environnementale est l’une des pires au monde ? (Pour mémoire, ramenée au nombre d’habitants, la pollution australienne est largement supérieure à la pollution chinoise, qui n’est pourtant pas rien !) Aujourd’hui, le Premier ministre Scott Morrison et son gouvernement crient au scandale et dénoncent une manœuvre politicienne (Sic !) de l’UNESCO. Rien que ça. Quel manque de pudeur. Mais aussi, quel courage de la part de l’UNESCO, qui savait à quoi s’attendre en déclarant la Grande barrière « Site en péril ».
Sans doute lui faudra-t-il le même courage pour prochainement déclarer Venise ou la Grande Muraille elles aussi sites en péril (et d’autres encore), car c’est bien vers cela que l’on se dirige.
Cela suffira-t-il à déclencher une plus profonde et plus sincère prise de conscience internationale ? Après tout, qui s’intéresse encore aux merveilles naturelles dans un monde où la grande majorité des individus consacrent l’essentiel de leur temps à regarder des séries, des matchs de foot et des jeux vidéo ? Du pain et des jeux ! Qu’en tant que citoyens, nous nous sentions la plupart du temps impuissants (et par conséquent désabusés) face aux grandes menaces qui pèsent sur notre planète peut se comprendre. Mais nous devrions au moins exiger de nos gouvernants qu’ils veillent sur le patrimoine que nous leur avons confié. Les (non) actions et les propos de nos ministres de l’écologie (en France, en Australie et hélas, un peu partout dans le monde) sont inacceptables. En votant, en signant des pétitions, en soutenant des associations reconnues pour l’intelligence de leur combats, dans l’attente que les referendums nécessaires existent enfin, nous pouvons malgré tout faire entendre notre voix. L’UNESCO vient en tout cas de faire entendre la sienne, et nous ne pouvons que l’en féliciter ! Publié le 23/06/2021
Quand les rats provoquent une invasion de souris
Allez, pour le plaisir, un petit tour par l’Australie qui occupe toujours autant mes pensées. Après une effroyable année de sécheresse, l’île-continent connaît un nouveau fléau : une invasion massive de souris.
Ces charmantes bestioles sont arrivées Down Under en même temps que les premiers colons britanniques. Les périodes de gel fondant comme neige au soleil , les rongeurs apprécient de plus en plus le climat australien. L’ennui, c’est qu’elles s’attaquent aux réserves de céréales des agriculteurs et provoquent des dégâts considérables. (Si elles avaient émigré en Suisse, elles auraient probablement préféré les caves de Gruyère AOP, d’Appenzeller ou d’Etivaz).
Et lesdites souris, même pas naturalisées australiennes, d’envahir tout un tas de lieux, y compris… les prisons ! C’est le cas de la prison de Wellington, dans le New South Wales, où des cloisons et surtout l’ensemble du câblage électrique sont rongés par ces nouveaux arrivants. Il est vrai que personne ne veut de prisons proches des villes, celles-ci se retrouvent donc à la campagne.
Les prisonniers qui, eux, ne rongent que leur frein, doivent de ce fait être déplacés dans divers autres centres, le temps que des travaux soient effectués et les envahisseurs chassés. Les « rats » (se dit de personnes très près de leurs sous) en sont donc pour leurs frais, et vont devoir envisager de construire des prisons plus solides, plus grandes et plus modernes et d’où, bien sûr, personne ne pourra filer ni entrer en douce, pas même une petite souris !
Publié le 22/06/2021
Chasser la baleine dans le Cotentin avec Prévert
Ah... quelques jours hors de Paris ! Comme tout le monde, j’avais hâte de pouvoir profiter de ces nouvelles conditions de déconfinement pour goûter un air meilleur, après plus d’un an et demi « d’enfermement parisien ». L’occasion d’aller à la découverte de cette belle région qu’est le Cotentin.
Connaissant ma destination ainsi que ma passion pour l’œuvre de Jacques Prévert, une amie autrice m’avait suggéré d’aller visiter la maison qu’a occupée celui-ci à la fin de sa vie, désormais transformée en musée. Sur place, il est facile de comprendre l’attachement de notre poète pour cet endroit plein de charme et de "naturel" qu’est Omonville-La-Petite, située tout près de la magnifique baie de la Hague. Prévert y a vécu jusqu’à sa mort en 1977. Il est enterré au pied de l’église du village avec sa femme et sa fille. Les bribes d’un de ses poèmes, lu dans mon enfance, me sont alors revenues à l’esprit (le voici en entier :) :
À la pêche à la baleine, à la pêche à la baleine, Disait le père d'une voix courroucée À son fils Prosper, sous l'armoire allongé, À la pêche à la baleine, à la pêche à la baleine. Tu ne veux pas aller. Et pourquoi donc? Et pourquoi donc que j'irais pêcher une bête qui ne m'a rien fait, papa, Va la pêpé, va la pêcher toi-même. Puisque ça te plaît, J'aime mieux rester à la maison avec ma pauvre mère et le cousin Gaston. Alors dans sa baleinière le père tout seul s'en est allé, sur la mer démontée... Voilà le père sur la mer, voilà le fils à la maison. Voilà la baleine en colère. Et voilà le cousin Gaston qui renverse la soupière, La soupière au bouillon. La mer était mauvaise, la soupe était bonne. Et voilà sur sa chaise Prosper qui se désole : A la pêche à la baleine, je ne suis pas allé. Et pourquoi donc que j'y ai pas été ? Peut-être qu'on l'aurait attrapée, alors j'aurais pu en manger. Mais voilà la porte qui s'ouvre, et ruisselant d'eau Le père apparaît hors d'haleine, tenant la baleine sur son dos. Il jette l'animal sur la table, une belle baleine aux yeux bleus, Une bête comme on en voit peu. Et dit d'une voix lamentable : dépêchez-vous de la dépecer, J'ai faim, j'ai soif, je veux manger. Mais voilà Prosper qui se lève, Regardant son père dans le blanc des yeux, Dans le blanc des yeux bleus de son père. Bleus comme ceux de la baleine aux yeux bleus : Et pourquoi donc je dépècerais une pauvre bête qui m'a rien fait? Tant pis, j'abandonne ma part. Puis il jette le couteau par terre, Mais la baleine s'en empare, et se précipitant sur le père Elle le transperce de père en part. Ah, ah, dit le cousin Gaston, ça me rappelle la chasse, la chasse aux papillons. Et voilà. Voilà Prosper qui prépare les faire-part, La mère qui prend le deuil de son pauvre mari Et la baleine, la larme à l'œil contemplant le foyer détruit. Soudain elle s'écrie : et pourquoi donc j'ai tué ce pauvre imbécile, Maintenant les autres vont me pourchasser en motogodille Et puis ils vont exterminer toute ma petite famille. Alors, éclatant d'un rire inquiétant, Elle se dirige vers la porte et dit à la veuve en passant : Madame, si quelqu'un vient me demander. Soyez aimable et répondez : La baleine est sortie, asseyez-vous, attendez là. Dans une quinzaine d'années, sans doute elle reviendra...
J’étais très jeune la première fois que j’ai lu ce poème, pourtant il ne m’avait pas effrayé. J’étais tellement heureux que la baleine ait survécu ! Publié le 18/06/2021
De l’Art ou du Cauchon ?
Il y a très précisément 590 ans, le 30 mai, Jeanne d’Arc était sacrifiée sur le bûcher imaginé par les Anglais et concrétisé par les Bourguignons.
Tout le monde, depuis, reconnaît l’effroyable iniquité du procès qui a conduit à cette exécution. Mais je n’ai découvert certains dessous (si je puis m’exprimer ainsi) de cette affaire, qu’à l’occasion d’une récente lecture apportant davantage de précisions sur le moment où la sentence a été donnée et, surtout, les motifs sur lesquels celle-ci s’est fondée.
Les Anglais voulaient en effet que la condamnation soit prononcée par un tribunal ecclésiastique, apte à mettre en lumière l’hérésie de la condamnée et sa véritable nature : une sorcière. Seulement, l’enquête menée en ce sens n’a jamais permis à l'évêque de Beauvais, Pierre Cauchon, fidèle au duc de Bourgogne et par conséquent aux Anglais, ni à ses assesseurs, d’étayer l’un ou l’autre de ces chefs d’accusation avec la moindre preuve ou témoignage. De ce fait, le procès s’éternise, au point que le puissant cardinal de Winchester en personne vient parfois s’immiscer à la tête du tribunal pour en accélérer le travail !
Un « crime », reproché à Jeanne, va toutefois prendre une dimension inattendue : le fait que Jeanne ait porté des habits d’homme, en violation des règles édictées dans le Deutéronome (second code de lois après celui de l’Exode) ! Dans une initiative (qui déplaira aux Anglais), l'évêque Cauchon informe Jeanne que si elle renonce à porter des vêtements masculins, la condamnation à mort qui l’attend, sera commuée en emprisonnement à perpétuité. Jeanne d’Arc, à bout de force, physiquement et nerveusement, accepte de se vêtir en femme.
Mais, alors qu’elle est incarcérée, ses vêtements sont mystérieusement dérobés. Refusant d’exhiber sa nudité, elle reprend des habits d’homme. Il n’en fallait pas davantage pour qu’elle soit cette fois menée au bûcher, où elle périt brûlée vive.
Qui a volé la robe de Jeanne, la menant droit dans ce piège mortel ? Faut il y voir le froid talent des services anglais, ou une tentative de l'évêque de Beauvais de réparer sa bévue ? Était-ce de l’Art ou du Cauchon ?
Jeanne n’était qu’une toute jeune fille et en avait à peine dix-sept lorsqu’elle a pris les armes pour son pays et son roi. Elle était une puellae, mot latin pour évoquer une adolescente pubère âgée de 13 à 18 ans, une pucelle. D’où son surnom de Jeanne « la Pucelle ». C’est bien une enfant qui a été martyrisée sur le bûcher.
Dans L’Homme qui rit, Victor Hugo disait de l’enfance :
« De telles innocences dans de telles ténèbres, une telle pureté dans un tel embrassement, ces anticipations sur le ciel ne sont possibles qu'à l'enfance, et aucune immensité n'approche de cette grandeur des petits. »
Ah, si seulement Pierre Cauchon avait pu lire Hugo ! Publié le 31/05/2021
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