16 mars 2020 - 16 mars 2021

Il y a un an, jour pour jour, nous quittions l’Australie pour revenir à Paris, en misant sur un périple risqué, le seul qui avait une chance de fonctionner : plus de 40 heures de voyage, depuis Melbourne, en passant par Singapour puis Munich.

Quel soulagement, alors, de retrouver nos pénates parisiens !

Nous étions bien sûr loin d’imaginer « l’épisode Covid 19 » auquel, avec des milliards de personnes à travers le monde, nous allions être confrontés ; ni dans sa forme ni dans sa durée.

 

Que de questions, depuis, face à un tel inattendu.

Toujours, dans les temps confus, la lecture d’œuvres impérissables s’avère précieuse pour, justement, faire face.

 

Le Dao de jing, Livre de la Voie et de la Vertu, est de celles-là. Un ouvrage essentiel du taoïsme, dont l’un de ses plus fins connaisseurs en Occident, le regretté Claude Larre, disait : « Il secrète l’optimisme, désarme l’agressivité, élude les difficultés, avec la grâce du naturel propre à l’esprit chinois. »

 

Le chapître 50

(La rédaction des textes classiques chinois n’incluait aucune ponctuation. C’est d’ailleurs ce qui en rend la traduction aussi difficile (et hasardeuse selon le traducteur). La traduction ici est celle de C. Larre).

 

 

On sort c’est la vie on rentre c’est la mort

Compagnons de la vie ils sont Treize

Compagnons de la mort ils sont Treize

Mouvant les vivants aux sites de mort Treize encore

 

Et pourquoi

Sinon qu’on est mené par l’avidité de vivre

 

On dit que ceux qui connurent l’art de vivre

Quand ils voyageaient par les routes

Ne rencontraient ni le rhinocéros ni le tigre

Quand ils étaient à l’armée

Ne portaient ni armes ni cuirasse

Le rhinocéros n’aurait pas eu où planter sa corne

Le tigre n’aurait pas eu où jeter sa griffe

L’arme où placer sa lame

 

Et pourquoi

Sinon qu’ils n’offraient pas de prise à la mort

 

À lire et relire :

Lao Tseu, Tao Te King

texte traduit et présenté par Claude Larre  Collection Les Carnets, éditions DDB

Publié le 16/03/2021
Apprenons à communiquer avec... l'au-delà

Depuis des siècles, l’Extrême-Orient fascine les Occidentaux par ses croyances et ses pratiques associées à la spiritualité.

Mais il ne faudrait pas oublier que ce qui caractérise le plus cette lointaine partie du monde, c’est un sens concret extrêmement développé.

Sont le plus fréquemment mis en avant à propos de la Chine, du Japon, de la Corée… un indéniable talent commercial, une impressionnante productivité et capacité de travail, le goût pour les nourritures terrestres, l’argent, etc.

 

Nous pourrions être encore davantage surpris par la façon dont ces mondes, matériel et spirituel, sont amenés à très naturellement cohabiter, et à interférent en permanence, dans les us et coutumes asiatiques.

 

 

Rappelons-nous, même si cela remonte à des millénaires, les sacrifices humains et animaliers pratiqués lors des funérailles de personnages importants : des animaux domestiques, mais aussi des familles entières de serviteurs et de gardiens étaient enterrés vivants avec le ou la défunte afin de continuer à veiller sur son esprit, son « fantôme », dans l'au-delà. Plus tard, ces êtres vivants ont été remplacés par des représentations en terre cuite, en bois, en jade… (Ainsi, la remarquable armée en terre cuite, enterrée dans le mausolée du premier empereur, Qin Shi Huangdi, découverte tout près de Xian, en Chine.)

Des coutumes que nous connaissons bien et qui ont fait le bonheur de générations de pilleurs de tombes dans ces pays.

 

Aujourd’hui encore, on continue d’honorer au quotidien les âmes des morts, l’esprit des ancêtres, et nous sommes habitués à voir trôner dans les foyers asiatiques, en particulier chez les familles bouddhistes, des autels miniatures devant lesquels les membres (encore vivants) de la fratrie viennent prier et déposer des offrandes.

 

Un important commerce s’est développé autour de ces pratiques, faisant florès un peu partout en Asie, tout particulièrement en Chine. Celui des « courriers fantômes » et des offrandes de papier. Le principe consiste à reproduire en papier des objets très concrets du monde réel, pour ensuite les brûler et ainsi les expédier dans l’au-delà, aux esprits à qui ils sont adressés.

Cela a vite pris la forme essentiellement de faux billets (surtout des « grosses coupures »), imitant sommairement les vrais, incinérés par liasses entières de façon à assurer la fortune des ancêtres défunts. Bien sûr, cette « monnaie de singe » n’est pas vendue au prix de la vraie monnaie, mais elle assure tout de même un business confortable à ceux qui la produisent… en toute légalité.

 

Il arrive que ces « courriers fantômes » soient de simples prières, mais la manière dont dorénavant ils aident les mortels à se projeter dans l’au-delà est sans la moindre limite d’imagination. Il suffit de passer commande aux entreprises spécialisées. Celles-ci élaborent alors des maquettes en papier propres à satisfaire tous les fantasmes. Il est ainsi possible, par exemple, d’assurer les « besoins » matériels du cher disparu en lui adressant une jolie et grande maison, dotée de tout le confort, ainsi qu’une grosse voiture ; pourquoi pas un fac-similé de permis de conduire au cas où il aurait égaré le sien ?; s’il aimait festoyer, un magnifique banquet ; s’il était musicien, un studio tout équipé ; etc.

 

On découvre de la sorte que les projections des vivants sur le « monde d’après » reproduisent exactement les besoins et satisfactions du « monde d’avant » dans ses aspects les plus triviaux. La spiritualité transcendée par le matériel, en quelque sorte. Ce qui semble logique dès lors que le matériel est perçu comme principale source du bonheur et donc de la paix de l’esprit !

 

 

Un récent reportage diffusé sur Arte confirme qu’en Extrême-Orient les relations avec l’au-delà innovent sans cesse, reposant sur toujours plus de matérialité telle que vécue au quotidien durant le vivant.

Il a été tourné sur un site proche de Fukushima, au Japon. On y a érigé, au sommet d’une colline… une cabine téléphonique.

 

Dessinée sur le modèle des fameuses cabines londoniennes, mais toute peinte de blanc, elle se dresse là, à l’écart de l’agitation urbaine, exposée à tous les vents, et attendant qu’on en pousse la porte. À l’intérieur : une simple tablette avec un téléphone posé dessus. Un de ces vieux modèles à cadran rotatif, un peu bruyant. Le fil est branché… dans le vide !

Chacun est libre d’y entrer et d’utiliser ce combiné supposé être connecté « en direct » avec le monde des esprits.

Quelques utilisateurs, apparemment sains d’esprit, ont accepté de témoigner face caméra. Ils attestent que cette forme de communication avec le défunt auquel ils sont liés leur procure beaucoup de soulagement, entretient le lien sacré avec l’âme du ou de la disparu(e) (à Fukushima, il s’agit de milliers de victimes, dans des conditions particulièrement violentes), et est source de paix et de sérénité.

N’est-ce pas suffisant, après tout ?

 

Mais ce que la caméra nous montre de plus étonnant, selon moi, c’est la façon dont s’établit cette "communication". On voit en effet des personnes non seulement décrocher le combiné, mais bel et bien composer un numéro, comme dans la « vraie vie ». Quel numéro ? Celui du domicile de la personne concernée lorsqu’elle était en vie ? Un numéro imaginaire ?

Tout aussi fascinant, on peut observer comme ces utilisateurs, après avoir composé le numéro, restent quelques instants silencieux, comme attendant qu’une voix s’exprime à l’autre bout.

Puis, s’engage un monologue, interprété très exactement à la manière d’un dialogue, avec, là encore, des temps de silence traduisant l’espoir de possibles réponses.

Les sujets évoqués (pour ceux qui ont accepté d’être enregistrés) sont très banals, compte rendu sur les faits du quotidien, salutations polies… ponctués de moments plus chargés d’émotion traduisant la douleur créée par le vide laissé après la disparition.

 

Comme il y a plus de trois mille ans, tout en s’appropriant les nouvelles technologies, le temps d’honorer les défunts est ici ritualisé, de façon consciente ou non, afin que les âmes défuntes, apaisées, ne soient pas tentées de perturber l’existence des vivants. C'est en tout cas la version "officielle" sur laquelle chacun s'accorde en observant cette étrange et permanente cohabitation des deux mondes. On peut aussi y voir, toujours un rituel, mais davantage destiné à rassurer les vivants sur l'inconnu qui les attend, en lui donnant une identité rassurante, celle de la vie dont ils rêvent au présent !

 

Que disait Montaigne, déjà ? « Vivre c’est apprendre à mourir ». Se pourrait-il « au bout du compte », que l’inverse soit également vrai ?  

Publié le 15/03/2021
Désobéissance civile pacifique : un devoir ? un impératif ? Une réponse à l’indignation.

De l’impératif de désobéissance explicité par J. M. Muller au devoir de désobéissance prôné par Gandhi, la contestation et l’insoumission restent des mots d’ordre essentiels de la société civile à travers le monde.

 

Selon le philosophe américain H. D. Thoreau, « Il est plus souhaitable de cultiver le respect du bien que le respect de la loi ». Oscar Wilde ne l’aurait pas démenti : « Aux yeux de quiconque a lu l'Histoire, la désobéissance est la vertu originelle de l'homme. La désobéissance a permis le progrès » ; ni Victor Hugo : « Désobéir, c’est chercher ».

 

Le fait premier de la résistance est le plus souvent l’indignation ; ce qui avait valu son titre à l’essai de Stéphane Hessel sur ce sujet : « Indignez-vous ! » Titre lui aussi en forme de mot d’ordre, qui avait interpellé un nombre considérable de lecteurs.

 

Si l’indignation paraît en effet essentielle -- preuve qu’il subsiste un désir de dignité --, ses raisons sont, elles, extrêmement subjectives et légitiment de façon très inégale les mouvements de résistance qui en découlent. Pour avoir connu l’installation du nazisme en Europe, Hessel en savait quelque chose.

Que dirait-il aujourd’hui des « rebelles modernes » qui s’indignent de leurs privations de liberté lorsqu’il leur ait demandé de ne pas fumer en public ou de porter un masque pour cause de pandémie ?

Ailleurs dans le monde, les privations de liberté s’expriment également. De façon plus violente, et les formes de résistance civile le sont aussi.

 

En Birmanie, après le récent putsch militaire, la résistance prend une forme et une force inattendues, et les colonels de la junte ne peuvent que s’en inquiéter. Dans le pays, l’indignation est désormais générale, ne se limitant plus aux seules manifestations dans la capitale. On tire à balle réelle sur les contestataires, on les emprisonne, on les maltraite… mais ils « résistent » toujours, et s’organisent. Ils ont créé le CMD (Mouvement de désobéissance civile) que des milliers de Birmans rejoignent. Mieux, on compte désormais dans leurs rangs des fonctionnaires et des diplomates ! Des garde-frontière déposent les armes et se réfugient en Inde. Des policiers par centaines quittent leur poste. Fin février dernier, au siège New Yorkais de l’ONU, l’ambassadeur birman en personne a fustigé le coup d’état des militaires, et demandé aux États membres de tout entreprendre pour y mettre fin. Accusé de haute trahison par la junte, il a été aussitôt démis de ses fonctions. Mais celui qui a été nommé pour le remplacer a préféré… démissionner à son tour ! Triste rappel des événements de 2011 et de la junte alors au pouvoir : le numéro 2 de l’ambassade birmane à Washington, craignant pour sa vie et celle de sa famille, avait alors déjà demandé l’asile politique aux États-Unis.

 

Si, en Birmanie, jamais la résistance n’a été aussi forte, elle semble en revanche très compromise à Hong Kong où, d’évidence, la Chine revient sur sa promesse de maintenir pour une période de 50 ans le principe de « un pays, deux systèmes ». La résistance locale a provoqué l’ire du « grand-frère » chinois qui intensifie les vagues d’arrestations au sein du parti démocrate et exige une totale allégeance au gouvernement de Pékin.

 

Mais la résistance s’exprime aussi dans les coins les plus reculés de la planète, échappant ainsi au radar des principaux medias. Il se peut d’ailleurs que les raisons mêmes de cette contestation échappent tout simplement à nos esprits de citadins trop préoccupés par les séries de confinements et autres couvre-feux.

Les populations autochtones de l’île de Baffin, au nord de la planète, s’opposent aux projets d’expansion de la société Baffinland qui gère notamment la mine de fer de Mary River.

 

Afin de doubler sa production, Baffinland veut construire une voie ferrée qui reliera, sur plus de 110 kilomètres, la mine au port d’embarquement.

Plusieurs communautés d’inuit n’ont pas hésité à affronter les pistes enneigées durant des dizaines d’heures (et avec des températures avoisinant les -40°) pour venir bloquer des installations de Baffinland. Il faut dire que, pour eux, l’enjeu est essentiel.

Si la filiale du groupe fondé par Minerals Group et ArcelorMittal mène son projet à terme, le trafic maritime dans la région va considérablement s’intensifier, à raison d’environ 200 passages par an et avec des minéraliers 6 fois plus gros que ceux actuels.

La faune marine très présente dans ce secteur, (narvals, baleines…) en sera la première victime. La faune terrestre ne sera pas épargnée, puisque la nouvelle voie de chemin de fer passera au beau milieu de la zone de mise bas des caribous.

 

Au fait, comment Mr Hessel concluait-il son (trop) court opuscule ? Lui, l’homme alors âgé de 93 ans, conscient de sa fin prochaine, cofondateur du Conseil National de la Résistance, corédacteur de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1948 ?

«  À ceux et celles qui feront le XXIe siècle, nous disons, avec notre affection : Créer c’est résister. Résister c’est créer. »

 

À lire ou à relire :

Indignez-vous !  Stéphane Hessel  Éditions Indigène

La désobéissance civile  Henry-David Thoreau  Poche

L’impératif de désobéissance : fondements philosophiques et stratégiques… Jean-Marie Muller

Du devoir de désobéissance civile  Gandhi (textes compilés) Ed Payot

Publié le 07/03/2021
En finir avec l'écriture inclusive

Certes, l’égalité homme femme est loin d’être gagnée et il est indispensable de soutenir tous ceux qui combattent pour que celle-ci soit enfin établie. Faut-il pour autant encourager les projets les plus imbéciles ? Peut-on, au nom de cette égalité, laisser se créer, se développer, et déjà s’enseigner une langue infernale qui, non seulement détruit toute harmonie dans la belle langue de Molière, mais va inéluctablement creuser le lit d’un sous-langage tel celui en usage dans les SMS, Tweets, et autres courriels ?

 

Je veux bien sûr parler de l’écriture inclusive. Nouvelle arme de guerre des intégristes du féminisme ; impraticable sans passer des heures à réfléchir au « bon respect des règles vouées à balayer toute trace d’identité sexuelle », alors même que les règles les plus élémentaires de l’orthographe et de la grammaire sont bafouées par une très large majorité d’entre nous !

 

Avez-vous seulement tenté de rédiger un texte selon ce mode inclusif ? Autant se cogner d’emblée la tête contre les murs. Un exemple :

<< Que toutstes celleux qui, soi-disant possesseur.e.s de savoir méprisent leurs lecteur.rice.s en pratiquant une écriture non inclusive, négligeant notamment de compter le nombre de personnes de chaque sexe dans un groupe avant de décider si celui-ci doit être accordé au « féminin » ou au « masculin », soient jugé.e.s et condamné.e.s par toutstes celleux qui protègent les droits de la Femme en particulier et de leurs auditeutrices en général. >>

 

Comment des enfants (et même des adultes) auraient-ils la moindre chance d’intégrer ces nouvelles conventions, alors qu’ils sont déjà en déficit d’écriture (et de lecture) ?

D’ailleurs, si l’écriture devient un casse-tête en suivant ces principes, la lecture en souffre tout autant !

 

Je bénis le Ciel d’être un simple romancier, libre de pratiquer l’écriture de mon choix, et non un fonctionnaire en charge de textes officiels. Mais combien de temps encore pourrons-nous y échapper ?

Le zèle épouvantable de plusieurs universitaires, sans doute adeptes de la maïeutique et du « politiquement correct », à s’imposer (étudiants) ou imposer aux autres (enseignants) l’usage de ce nouveau charabia est sans doute le plus étonnant dans cette affaire.

Par peur d’une petite minorité adepte de la masturbation intellectuelle, ils sont prêts à compromettre l’usage des outils majeurs de la culture, écriture et lecture, nécessaires à tous. À moins que l’idée soit de créer deux niveaux de langage et de faire ainsi apparaître une illusoire élite intellectuelle ?

Je viens notamment d’apprendre que des profs de Sciences-Po en seraient à distribuer des points supplémentaires à ceux de leurs élèves qui pratiquent la rédaction inclusive !

 

À force de ne plus seulement mettre les points sur les « i » mais aussi à en parsemer les mots et les phrases, la psychorigidité des uns mettra vite à mal la spontanéité et la créativité des autres.

 

Je n’ai aucune envie de devoir un jour me soumettre à cette hérésie collective, fortement teintée de lâcheté. Aussi, je remercie et félicite les quelque 60 députés qui, le 17 février dernier, se sont unis pour demander la suppression de l’écriture inclusive des textes administratifs.

Vu la très forte augmentation du budget aspirine au sein de l’administration française, la Sécurité Sociale devrait également leur en être reconnaissante. 

 

Publié le 28/02/2021
Et David, une fois de plus, a vaincu Goliath

Il est sans doute surprenant que, selon cette présentation des faits, David soit le gouvernement australien, et Goliath une société privée, en l’occurrence Facebook !

Quoi qu’il en soit, l’Australie a eu raison de rester ferme sur ses positions : Facebook vient de présenter ses excuses pour sa « trop grande fermeté » et s’engage à verser 1 milliard de dollars sur trois ans aux medias.

 

Il semble que Mark Zuckerberg se soit ainsi aligné sur son « collègue de la bande des Cinq » (GAFAM), Google, qui a fait la même promesse plus tôt, en fin d’année dernière.

 

Certains s’indignent toutefois que le grand gagnant de cette bataille entre géants du Numérique et gouvernements, soit… le groupe de presse géant de Rupert Murdoch !

Une réaction bien légitime. Il faut pourtant davantage pousser l’analyse.

« L’indignité » tient plutôt au fait que le milliardaire australo-américain puisse détenir à lui seul un si gigantesque empire de presse à travers le monde, au sein duquel la diversité (liberté ?) d’opinion est réduite à sa portion congrue. (Pour mémoire, Murdoch détient non seulement 175 journaux sur la planète, mais aussi plusieurs groupes de télévision. La grande majorité de ces medias diffuse de l’information souvent qualifiée d’ultra conservatrice. Ainsi, l’intégralité des organes de presse détenus par le milliardaire a soutenu l’invasion de l’Irak par les USA.). Mais, dans le cas présent, il faut rappeler que cette victoire contre les GAFAM vaut pour l’avenir de toute la presse, dans son ensemble, et qu’en évitant la disparition des quelques rares (et donc précieux) « vrais » journalistes professionnels, elle évite la mise en place d’un système d’informations « low cost » sans la moindre pertinence.

 

Plusieurs pays attendaient de connaître l’issue de ce bras de fer. Le Canada, par la voix de son Premier ministre, a déjà annoncé vouloir suivre l’exemple australien.

 

En Europe, la situation est différente.

La France a, depuis plusieurs années, milité pour une taxation des GAFAM, soulignant que malgré le poids de celles-ci (supérieur de plus de 50% à celui de toutes les entreprises françaises cotées au CAC 40), elles étaient deux fois moins imposées que les entreprises traditionnelles de l’Union Européenne !

Devant l’incapacité de l’UE (forte opposition des pays nordiques et de l’Irlande) à agir en conséquence, la France et quelques autres pays de la Communauté ont pris les devants.

Une loi de taxation des GAFAM a été votée par la France dès juillet 2019 (ce qui nous a valu de lourdes mesures de rétorsion de l’Administration Trump). 350 millions d’euros sont ainsi rentrés dans les caisses de l’État en 2019, et 500 autres millions étaient espérés en 2020. La preuve qu’une résistance est toujours possible et peut faire vaciller même les géants.

La question de l'indemnisation de la presse reste toutefois là aussi à traiter.

Publié le 25/02/2021
Quand la Chine nous interroge

La façon dont le gouvernement chinois administre ses affaires intérieures (et extérieures) n’a pas fini de nous interroger ni d’alimenter les pires fantasmes et rumeurs « pro » ou « anti » Chine.

Une chose est toutefois certaine, c’est que « ces gens-là », décidément, ne pensent ni ne fonctionnent comme nous ! (pour résumer la pensée la plus couramment admise en Occident à propos de la Chine).

 

Une autre chose est sûre, si Xi jinping et son équipe se sont essayé (avec pour l’instant une réussite plus que mitigée) à l’exercice du Soft Power en matière de politique étrangère, l’autorité qu’ils exercent à l’intérieur du pays ne s’embarrasse guère de diplomatie.

Le plan est simple : chaque nouveau problème rencontré doit être traité avec force et résolution (image de la main de fer) ; il n’est pas question de laisser quelque communauté ou acteur économique du pays remettre en cause la politique décidée pour le bien commun de celui-ci.

Que les islamistes se mettent en action à l’ouest de la Chine, la rétorsion est immédiate et bien plus violente encore. Que le Tibet, Hong Kong, réclament leur indépendance, l’armée et la police sont aussitôt mobilisées pour y remettre bon ordre.

Voilà pour les exemples les plus repris et cités dans la presse internationale.

 

Mais cette « fermeté managériale » s’exerce dans bien d’autres domaines. Ainsi, la lutte contre le coronavirus. Le combat fait sens pour toute la famille chinoise et il n’est pas question non plus ici de se plaindre de « restriction des libertés individuelles » quand il y va de la survie d’une population d’1.5 milliards d’habitants. La criminalité augmente dans les villes, les accidents de circulation sont plus nombreux, les dérives comportementales liées aux « mauvais exemples occidentaux » se multiplient ? Qu’à cela ne tienne : le déploiement des nouvelles technologies – caméras, reconnaissance faciale, gestion de bases de données sophistiquées, contrôle des medias et de l’Internet…– démontrent une efficacité redoutable pour contribuer au bon maintien de l’ordre et au respect des règles communes indispensable pour éviter la pagaille sociale et limiter la corruption.

Des bavures graves, des abus inacceptables se produisent. Comment pourrait-il en être autrement ? Ce qui compte pour l'Etat, c’est le résultat global. Le Parti ne conservera son pouvoir que s’il réussit à tenir sa promesse de garantir le bonheur et la sécurité de la majorité des Chinoises et des Chinois.

 

Un autre exemple de ce « management à la chinoise » nous apparaît depuis peu à travers les rapports que le gouvernement entretient avec les géants du numérique.

 

Souvent regroupés sous le terme (trop restrictif) de GAFAM, ces sociétés privées géantes ont réussi à acquérir en Occident un pouvoir considérable, alors que pourtant incompatible avec l’idée majeure de démocratie que revendiquent les pays concernés.

 

Un pouvoir qui devrait être d’autant plus condamné (plutôt que favorisé), qu’il repose sur à peu près les mêmes mécanismes que ceux reprochés par l’Occident à la Chine :

- constitution d’immenses et puissantes bases de données dont l’usage est, de facto, incontrôlable

- surveillance des comportements des usagers par le biais d’outils technologiques conçus dans ce but (géolocalisation, habitudes de consommation, données bancaires, données médicales…)

- jusqu’aux images et aux conversations désormais accessibles grâce aux réseaux sociaux, au Cloud, ou aux objets connectés de type Alexa, Google Home, Amazon Echo (*)…

(*) Dès la fin de l’année, Google, Amazon et Apple, accompagnés de la Zigbee Alliance, prévoient de créer un standard commun dédié aux objets connectés. Le message à l’attention du consommateur : une plus grande compatibilité entre les systèmes et donc davantage de facilité et de confort d’utilisation. Réalité plus « subliminale » : accroître l’usage de ces objets au sein de la population et la capture des informations qu’ils permettent. Le cinquième pouvoir (terme inventé par le journaliste espagnol Ignacio Ramonet, ancien directeur du Monde Diplomatique), le plus puissant de tous, est au cœur de la stratégie de conquête des GAFAM.

 

Non seulement les GAFAM contribuent dans une bonne part à une transformation violente de nos modèles économiques et sociétaux (librairies, petits commerces, medias… la liste serait longue) mais elles construisent surtout un monde auquel les consommateurs par millions semblent désormais incapables d’échapper. Après le luxe (et le « Tu n’es rien si tu n’as pas une Rolex à 50 ans »), s’est formée l’addiction technologique (et le « Tu n’es rien si tu ne changes pas de portable tous les ans » ou « Si tu n’as pas au moins un million de « followers » sur ton réseau social »), et cela malgré l’évidente privation de ces libertés auxquelles nous nous disons tellement attachés !

 

De précédentes chroniques (18/02 et 21/01) évoquent l’exemple très d’actualité du gouvernement australien qui tente courageusement de « renverser la vapeur » afin de sauver ses organes de presse du marasme vers lequel les entraînent inexorablement les géants du numérique type Facebook et Google, ainsi que la violence avec laquelle Facebook, en particulier, a répliqué. On peut également rappeler – ce n’est pas si vieux – les « tweets » de D Trump soudain censurés et les comptes fermés par Tweeter, au nom de… la démocratie !

En Occident, les GAFAM sont en mesure de se passer de l’avis des gouvernements et n’hésitent plus à s’affranchir des impératifs de la démocratie ni de leurs devoirs à l'égard de la communauté (optimisation fiscale, droit du travail...). Ils détiennent le « cinquième pouvoir », le renforcent de jour en jour, et sont prêts à en faire la démonstration lorsque nécessaire.

 

En Chine, avec sa politique beaucoup plus clairement affichée du « tout contrôle », se déroule un scénario très différent. L’Empire du Milieu est devenu un élément central du développement (et de l’usage) des nouvelles technologies. Pas étonnant, dès lors, que des « GAFAM » à la chinoise se soient rapidement constituées. Wechat est devenu le plus grand réseau social au monde, et Ali Baba n’a rien à envier à Amazon. Les méthodes et le discours des dirigeants de ces sociétés ont commencé à se singulariser, entendons par-là : prendre une certaine distance avec la politique sociale et économique décidée par le gouvernement, voire la contredire. Le géant Tencent (propriétaire entre autres de Wechat) et le groupe de Jack Ma (fondateur d’Ali Baba) ont acquis une puissance économique et financière colossale (via leurs services de e-paiement) mais aussi « médiatique ». Ils sont ainsi devenus, pour beaucoup de Chinois (et d'Occidentaux!), des exemples d’une réussite magistrale, au point que leurs faits, gestes et propos sont suivis de près.

 

Cela n’a pas empêché Xi jinping et son équipe d’y mettre très vite le hola.

 

Jack Ma a ainsi disparu des écrans pendant de longues semaines (créant des rumeurs de possible emprisonnement, voire d’assassinat) avant d’y réapparaître en tenant cette fois des discours nettement plus « assagis ». Zhang Feng, vice-président de Tencent, a lui aussi été inquiété, pour une histoire (vraie ou fausse) de pots de vin. Et les deux immenses groupes sont aujourd’hui menacés d’une importante « restructuration », pilotée… par le gouvernement chinois.

 

 

La démonstration qu’en Chine c’est l’état qui conserve le contrôle des géants du numérique, et non l’inverse.

 

De ces approches si radicalement différentes, laquelle est la plus pertinente?  

Publié le 23/02/2021
Des joies du Brexit

Je n'ai certainement pas saisi la totalité des effets bénéfiques du Brexit pour l’Angleterre, le Royaume-Uni ou l’Europe. En revanche, je crois que nous n’en aurons pas fini d’en découvrir les conséquences néfastes.

Ainsi, le cas des apiculteurs anglais. Plusieurs ont voté en faveur du Brexit. Aujourd’hui, il ne fait aucun doute qu’ils s’en mordent les doigts.

 

En effet, comme partout dans le monde, les colonies d’abeilles connaissent un fort taux de mortalité durant les grands froids de l’hiver. Cela oblige les apiculteurs de certaines régions, pour repeupler leurs ruches, de faire appel à d’autres pays mieux dotés en abeilles. Par exemple, des producteurs anglais peuvent s’adresser à l’Italie, où ils commandent des millions d’insectes pour les importer dans leurs colonies.

Mais plus maintenant. Pas après le Brexit !

 

L’importation d’espèces animales en Grande Bretagne est désormais soumise à une réglementation plus stricte. Et les autorités anglaises n’ont pas hésité à informer leurs apiculteurs que les abeilles seraient « bloquées à la frontière » et certainement détruites !

 

Même si certains apiculteurs envisagent de faire transiter leurs « travailleuses » par l’Irlande du Nord afin de contourner le problème, la situation reste dramatique pour l’avenir à court terme de leur profession.

D’autant qu’un autre danger les guette : le gouvernement britannique a en revanche profité du Brexit pour alléger la réglementation en matière d’usage des pesticides (est-ce une surprise ?), et ce n’est pas non plus une mince menace pour le devenir du monde apicole.

 

Ayant (enfin) pris conscience de la situation, ce sont maintenant les producteurs britanniques de fruits et légumes qui se font du souci pour leurs futures récoltes. Car, sans les abeilles pour polliniser…

 

La question est plus sérieuse qu’il n’y paraît, et elle est pourtant loin de faire la une des medias.

Les Britanniques, mais aussi les Européens vont rapidement faire la démonstration qu’il est plus facile de détruire que de construire, détruire l’Europe plutôt que la bâtir ; et que les visées nationalistes atteignent vite leurs limites.

 

L’abeille, heureuse de butiner la Primula di Palinuro, primevère endémique des côtes de Campanie et de Calabre, ou la Sassifraga des Berici, en Vénétie, le sera tout autant avec les roses et les jacinthes des bois de l’Angleterre. Preuve qu’elle sait bien mieux que nous se montrer bonne « Citoyenne du monde ».

Publié le 21/02/2021
Amarssir pour mieux atterrir ?

Quelle fantastique nouvelle, n’est-ce pas, cet « amarssissage » réussi du véhicule robotisé Perseverance sur la planète rouge !

Une prouesse technologique, c'est certain. Et, apparemment pour beaucoup, une considérable avancée dans le rêve qu’a l’homme de conquérir les étoiles pour, peut-être un jour, s’affranchir des barrières du temps et de l’espace !

 

Étant notoirement novice dans ce domaine de la conquête aérospatiale, je ne puis, moi aussi, qu’admirer la performance. Viser un point aussi éloigné avec autant de précision, programmer tellement de commandes sans commettre la moindre erreur, et « piloter » avec succès un pareil projet avec des équipes internationales… chapeau, pardon, casque bas !

 

Comme le précisait un commentateur sur le petit écran, balayant avec mépris l’objection du coût faramineux de cette mission : « C’est formidable de penser que, en rapportant les milliards investis à la population des pays ayant participé à ce travail, la dépense ne représente que quelques dizaines d’euros par personne. Et chacune de ces personnes a pourtant ainsi contribué à un des plus grands progrès scientifiques du siècle ».

 

Une analyse remarquable, à n'en pas douter. Ne devrait-on pas, d’ailleurs, la développer davantage ? Cette prouesse technologique, dont les medias nous rebattent les oreilles, doit ABSOLUMENT nous remplir d’espoir !

 

En effet, imaginez un peu que, en utilisant ces mêmes performances techniques, managériales, et avec les mêmes volumes budgétaires, on soit un jour capable de fabriquer suffisamment de masques pour protéger la population contre les épidémies ! Et, cerise sur le cadeau, que l’on invente des masques qui ne fassent pas de buée ou qui permettent aux malentendants de lire sur la bouche de leurs interlocuteurs ? Que l’on puisse recruter et former du personnel médical, fabriquer davantage de matériel et ouvrir plus de lits dans les hôpitaux ? Qui sait, nous pourrions même, avec un peu de chance, être capables de fabriquer des vaccins efficaces, accessibles à tous et à très bas prix ?

Ces nouvelles technologies nous permettront sûrement, un jour lointain, d’offrir des transports publics gratuits, de supprimer tout le plastique sur terre, de doter les malvoyants d’aides visuelles efficaces, de concevoir des appareils auditifs qui ne coûtent pas une fortune… Quelques dizaines d’euros par habitant, à l’échelle de la planète, pourraient même sauver des millions d’individus de la pauvreté, de la faim et de la soif. Mais, halte-là, ne nous aventurons pas trop loin dans cet univers digne de la science-fiction.

 

Et n’entrons pas non plus dans le jeu de ceux qui, voulant établir des priorités pour le bon usage de la science (au service de l'humanité), s'engagent sur la mauvaise voie.

 

Si l'on considère les dangers et inconvénients de la surpopulation sur Terre, à quoi bon vouloir sauver des vies ? Ne serait-ce pas improductif ? De grands visionnaires et bienfaiteurs de l’humanité comme Elon Musk, Jeff Bezos, et tant d’autres milliardaires qui dépensent sans compter pour que le progrès "soit utile et profite à tous" –, n’en sont déjà plus à vouloir vérifier s’il y a, ou s’il y a eu, de la vie sur Mars ou sur les autres étoiles de notre galaxie. Pour eux, il s’agit bien de préparer leur colonisation, voire leur « terraformation » afin de non seulement en exploiter les ressources (supposées infinies !) mais aussi permettre à des humains d’y vivre, dans le cas (désormais plus que probable) où les dommages que nous créons à la terre deviendraient irréversibles !

 

Alors oui, réjouissons-nous que quelques rares grands esprits pensent à notre place (et investissent pour nous "quelques dizaines d'euros").

Qu'on se le dise : en nous envoyant sur Mars, même par robots interposés, ils ne font que nous aider à ne pas rester trop… terre à terre !

 

Publié le 19/02/2021

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