Vous aimez le miel ?
Je ne sais pas pour vous, mais mon épouse et moi nous sommes découverts une vraie passion pour le miel. Même si, bien sûr, nous en consommions déjà « normalement », c’est lors de notre premier séjour en Tasmanie que nous avons découvert le vrai plaisir de déguster du miel. Tout a commencé avec le miel de leatherwood, qui nous a subjugués par son goût unique, profond et suave. Puis d’autres miels ont su également nous séduire : le Tea tree, le Blue gum (eucalyptus), le Prickly box, et tant d’autres encore. Depuis, et poursuivant nos recherches sur ces merveilleux nectars tirés des fleurs, nous avons dégusté beaucoup d’autres merveilles, dont celles, bien sûr, produites en France, à commencer par l’extraordinaire miel de Bruyère blanche. Quoi qu’il en soit, la liste de ces trésors serait trop longue, et leur classement trop subjectif pour que je me risque à en dresser une ici. Je reste simplement conscient de ce que nous devons aux abeilles pour produire une substance (et ses dérivés) aussi savoureuse et bonne pour notre santé (dans la limite d’une consommation malgré tout raisonnable, compte tenu de sa forte teneur en glucides).
Nous sommes des millions à aimer et respecter les abeilles. Un des rares insectes qui trouve grâce à nos yeux, notamment pour son rôle important de pollinisateur au sein de nos cultures, plantes et fruits. Il n’est pourtant pas le seul à remplir cette fonction. Ainsi les bourdons et les guêpes, les papillons, les mouches, les coléoptères, volants (coccinelles…) ou terrestres (gendarmes…), et même les fourmis. Nous ne devons pas non plus oublier le rôle des milliards d’insectes terrestres sans lesquels nos sols ne seraient plus nourris et perdraient toute fertilité naturelle. Leur disparition représenterait un péril irrémédiable pour nos prairies, nos forêts, nos champs…
Pourtant, tous ces insectes, abeilles y compris, se voient à nouveau menacés.
Je voudrais en effet revenir sur une décision prise en octobre dernier par le gouvernement, et que tout le monde semble avoir déjà oubliée. Elle vise directement les insectes et, au-delà, leur impact pourtant bénéfique dans nos écosystèmes. La loi d’interdiction sur l’usage des néonicotinoïdes (communément qualifiés de « tueurs d’abeilles ») votée en 2016, a été amendée pour qu’une dérogation soit accordée à l’industrie sucrière.
Une histoire qui, bien que triste (et donc malvenue dans le contexte actuel), est tellement incroyable qu’elle mérite vraiment qu’on s’y arrête. Voici un rapide résumé des faits :
Les néonicotinoïdes forment la famille d’insecticides la plus puissante et la plus vendue dans le monde ; ils contiennent des neurotoxiques qui modifient la mémoire des insectes, perturbent leur sens de l’orientation, finit par les paralyser et les tuer. Ces produits affectent également leur mode de reproduction. Utilisés à hautes doses par l’agriculture intensive, dont celle de la betterave sucrière, ils ont grandement contribué à la disparition d’une large partie des populations d’insectes. Ainsi, selon les études récentes conduites par le CNRS, 85% des insectes volants ont disparu en France au cours de ces vingt dernières années.
Ces études ne font que confirmer ce qu’il nous est loisible d’observer lorsque nous nous déplaçons sur notre territoire. Plus de moustiques ou de moucherons collés sur nos pare-brise, plus de champs couverts de papillons. Fini aussi les joyeux ramages de nombreuses espèces d’oiseaux dont la population a chuté de 38% sur la même période, faute d’insectes pour se nourrir. En ce qui concerne plus précisément les abeilles, vous avez peut-être été témoin, lors de vos promenades dans la nature, du comportement étrange de certaines d’entre elles, qui paraissent totalement désorientées, et dont les cadavres finissent par joncher le sol, loin de toute ruche.
Il aura fallu pas moins de 1200 études scientifiques démontrant la forte nocivité des néonicotinoïdes sur l’environnement, et vingt années de lutte entre, d’un côté, apiculteurs et écologistes, de l’autre l’industrie agro-alimentaire (dont la puissante industrie sucrière), pour que soit enfin votée, en 2016, l’interdiction d’emploi de ces insecticides. Cette rare victoire écologique, emportée avec le soutien de nombreuses associations, a été confortée par Nicolas Hulot, dès sa nomination au poste de ministre en 2017. Seulement, l’engagement du gouvernement Macron en matière de protection environnementale dépasse rarement le stade du discours, que ses actes et décisions viennent, qui plus est, souvent contredire. Dans le cas précis des néonicotinoïdes, le point de vue des fabricants (géants de la chimie : Syngenta, Bayer Monsanto) et de l’industrie sucrière a plus de poids dans les choix politiques, que celui des millions de personnes qui, en France, veulent défendre les abeilles et la nature. Plus choquant, il s’agit de décisions prises sans réelle concertation, et en dépit des études scientifiques publiées.
L’industrie sucrière française est le 1er producteur européen de sucre blanc, réalisé à partir de betteraves. Elle pratique un usage intensif des néonicotinoïdes. Pour produire le pire sucre pour la santé, on utilise la pire arme chimique contre la nature !
Ses produits commercialisés portent les marques Daddy, Béghin Say, Saint Louis. Ses lobbyistes sont très puissants : SNFS (Syndicat professionnel des fabricants de sucre), l’AIBS (Association interprofessionnelle de la betterave et du sucre) UIPP (Union des Industries de la Protection des Plantes) CGB ( Confédération générale des planteurs de betteraves, filiale de la FNSEA).
Selon la loi votée en 2016, les néonicotinoïdes ne devaient plus être du tout utilisés dès 2018. Une dérogation de 2 ans supplémentaires avait toutefois été accordée à l’industrie sucrière, qui réclamait ce temps pour pouvoir s’adapter à de nouveaux modes de production (ce qu’elle n’avait pas cherché à faire durant les 20 années précédentes et n’a toujours pas cherché depuis). Il était toutefois admis qu’à l’été 2020, plus aucune dérogation ne serait accordée. Malgré les incessantes tentatives des lobbyistes du sucre, le gouvernement français avait tenu bon, au moins jusqu’en 2018, notamment grâce à la fermeté de Nicolas Hulot sur ce sujet.
Et pourtant, cette loi vient d’être amendée, au profit de l’industrie sucrière, et pour les plus mauvaises raisons. - Les lobbyistes sont revenus à la charge, profitant de la pandémie covid 19 et de la crainte d’une pénurie alimentaire, évoquée lorsque les rayons des magasins ont été provisoirement vides, du fait de la panique populaire. En réalité, il n’y avait aucune pénurie, et certainement pas de sucre ! (La France est l’un des plus grands producteurs mondiaux et exporte 50% de sa production). - Ils ont également invoqué une invasion de pucerons, responsables d’une maladie, la jaunisse de la betterave, ce qui aurait provoqué 50% de pertes de production. En réalité, les pertes de production ont été inférieures à 15% (cf. Le Betteravier Français). - Ils ont lancé une campagne pour développer l’idée que cette industrie est un fleuron national, que l’on n’a pas le droit de laisser mourir. En réalité, il s’agissait d’une campagne « patriotique » visant à s’attirer les faveurs des citoyens, en plus de celles du gouvernement.
Ainsi, malgré les nouvelles études publiées de concert par le CNRS et l’INRA fin 2019, qui démontrent que la pollinisation gratuite par les abeilles s’avère bien plus avantageuse que l’utilisation des pesticides, c’est l’industrie sucrière qui a eu gain de cause contre les abeilles (et les insectes) ; le gouvernement qui a imposé ses choix, contre l’avis de la majorité de la population.
Ceci pose une très grave question : au nom de quelle(s) réalité(s) peut-on décider de faire peser un tel risque sur la nature et notre avenir alimentaire ? Pour 15% de betteraves (et de sucre) en moins ?
Alors que tous nos spécialistes de santé dénoncent le scandale d’une production alimentaire trop sucrée, et des dangers de morbidité qui lui sont associés (obésité, maladies cardio-vasculaires…), les industriels continuent de promouvoir l’usage du sucre (jusque dans le jambon, le lait, les boissons…) vu qu’il est un ingrédient à très faible coût.
Un changement de logiciel s’impose d’urgence, mais cela échappe d'évidence à ceux qui votent ces lois iniques, sans doute soumis à d’autres considérations.
Alors, pour ne pas en rester au stade du réquisitoire, sans proposer les solutions que celui-ci appelle, je me permets d’en proposer au moins une, pas si difficile à mettre en œuvre : pensez au miel ! Celui-ci remplacera avantageusement le sucre blanc dans la plupart de vos recettes, et aura des vertus bien plus bénéfiques pour votre santé. Les nectars issus des fleurs ont une infinité de saveurs à nous offrir, et les abeilles sont là pour nous les faire découvrir. Ne méritent-elles pas notre plus vive attention ? Tels ces vers de Virgile, dans Les Géorgiques :
« Poursuivant mon œuvre, je vais chanter le miel aérien, présent céleste. Je t’offrirai, à partir de tous petits êtres, un spectacle admirable. Quand le soleil d’or a mis l’hiver en fuite, et l’a relégué sous la terre, quand le ciel s’est rouvert à l’été lumineux, aussitôt les abeilles parcourent les fourrés et les bois, butinent les fleurs vermeilles et effleurent, légères, la surface des cours d’eau. Transportées alors par je ne sais quelle douceur de vivre, elles choient leurs couvées et leur nid, et façonnent avec art la cire nouvelle et composent le miel ».
Publié le 16/11/2020
Relire Michel de Montaigne
J’imagine que si vous visitez ce site, c’est que vous êtes également curieux de littérature et de voyage. Aussi, en ces temps où il peut être bon de s’abstraire d’une actualité sombre et pesante, je choisis de revenir à Michel de Montaigne, pour l’œuvre duquel, vous l’aurez compris, je voue une grande affection, en partageant cette pensée à propos du voyage (tirée de ses Essais, Livre III) :
« S’il ne fait pas beau à droite, je prends à gauche ; si je me trouve peu apte à monter à cheval, je m’arrête. Ai-je laissé quelque chose à voir derrière moi ? J’y retourne ; c’est toujours mon chemin. Je ne trace à l’avance aucune ligne déterminée, ni droite ni courbe […] J’ai une constitution physique qui se plie à tout et un goût qui accepte tout, autant qu’homme au monde. La diversité des usages d’un peuple à l’autre ne m’affecte que par le plaisir de la variété. Chaque usage a sa raison d’être. »
Si Montaigne suggère cette forme essentielle de pratique du voyage, c’est probablement parce que, contrairement à des modes plus organisés, elle nous garantit à la fois une expérience véritable de l’ouverture au monde, mais aussi, et de ce fait, de pouvoir revivre nos voyages ultérieurement, en « mode intérieur », autrement dit par la pensée, avec le même bonheur. Ce qui, convenons-en, est tout de même très précieux durant ce confinement forcé.
Cette forme de liberté d’action - prendre à droite, à gauche, revenir en arrière, ou marcher au pas cadencé qui nous serait imposé - Montaigne l'évoque également dans sa fameuse maxime : « Nous devons nous prêter à autrui, et ne nous donner qu’à nous-même. ». Elle est transposable à de multiples situations, y compris celles auxquelles nous sommes confrontés aujourd’hui. Je pense en particulier à nos interrogations récurrentes concernant notre liberté individuelle et notre liberté collective ; notre crainte que sacrifier l’une au détriment de l’autre ne conduise, pas à pas, à une forme quasi-irréversible de société totalitaire, et le recours à des solutions extrêmes.
Montaigne nous alertait à ce sujet : « Le peuple se trompe : on va bien plus facilement par les bouts, là où l’extrémité sert de borne d’arrêt et de guide, que par la voie du milieu large et ouverte, mais bien moins noblement et de façon moins estimable. »
La période de crise que nous traversons peut-être vécue de façon angoissante. Et nos peurs risquent en effet de nourrir des idées extrêmes, totalitaires.
« Dans ce moment de panique, je n'ai peur que de ceux qui ont peur.” écrivait Victor Hugo. Un sentiment que reprenait Franklin Delano Roosevelt lors de son discours d’investiture… en 1933 ! « La seule chose dont nous devons avoir peur, c'est la peur elle-même. »
La recommandation de Michel de Montaigne est de privilégier la Voie du Milieu (également chère au cœur des taoïstes et des confucianistes), pour ne pas céder à la tentation des extrêmes ; de nous recentrer. Ce que j’évoquais déjà dans ma chronique du 18 avril dernier, à l’occasion du premier confinement : « L’enfermement auquel nous sommes contraints n’a de valeur ou de sens que pour le retour qu’il nous permet d’opérer sur nous-même. Le temps de réflexion et de méditation qu’il nous offre revêt une immense valeur au regard de nos actes à venir. »
En tout cas, je vous le garantis, relire Montaigne est un excellent remède pour vaincre nos peurs.
Publié le 14/11/2020
Environnement mortel... suite
Je suis reconnaissant envers la lectrice qui, après avoir lu ma chronique du 14 octobre dernier, m’a adressé le lien ci-dessous, en rapport avec les thèmes plus précisément détaillés dans mon livre Environnement Mortel.
Il s’agit de l’interview d’un écrivain journaliste, Lionel Astruc, et de l’enquête qu’il a publiée à propos de Bill Gates et de sa fondation Bill &Melinda Gates.
Dans ma chronique du 14 octobre, je partais de l’observation suivante : les faits réels présentés sous forme de fiction dans mon roman, pourtant publié en 2012, collent encore parfaitement à l’actualité. J’en trouve une nouvelle confirmation avec l’enquête de Lionel Astruc (qui ne s’embarrasse pas de fiction et cite clairement les noms de ses « personnages »). Celle-ci, et les conclusions qu’il en tire, sont 100% conformes avec les recherches que j’avais menées à l’époque, et mes propres conclusions.
Cela démontre aussi, hélas ! que les mécanismes économiques conçus à la fin des années 1990, pour développer des intérêts privés au nom d’une soi-disant philanthropie sont toujours bien en place, et ont permis à leurs auteurs de consolider leur immense fortune, sans réelle considération pour l’avenir de leurs congénères, ni même de la planète.
Ne connaissant pas le media ayant réalisé l’interview (que vous pourrez découvrir en cliquant sur le lien ci-après), mon souhait de le partager avec vous ne cautionne que les propos de M. Astruc dans le cadre de celle-ci.
https://www.youtube.com/watch?v=Dqzt6yAmdDE
Bien sûr, je vous invite à nouveau, si ce sujet vous intéresse, et si vous ne l’avez pas déjà lu, à découvrir également Environnement mortel et son enquête richement documentée présentée sous la forme d’un thriller.
Le livre est présenté dans la section « Adultes », lien accessible dès la page d’accueil de ce site.
Publié le 11/11/2020
Un moyen d'éradiquer la pandémie enfin identifié !
Voici un communiqué officiel qui devrait nous redonner à tous du baume au cœur ! Il semblerait que des linguistes, travaillant en équipe avec des orthophonistes, aient trouvé le moyen de venir à bout de la pandémie, selon un plan précis, applicable sur quatre semaines seulement. Pour le découvrir dans les meilleures conditions, et bien vous en imprégner, je vous invite à le lire à voix haute. Bien amicalement.
Mesdames, Messieurs, chers compatriotes. Afin d’éradiquer la pandémie qui impacte notre planète depuis des mois, nous avons fait appel aux plus hautes sommités scientifiques de ce pays qui ont répondu présent avec un élan de générosité absolue. Grâce à eux, et tout particulièrement aux spécialistes du langage, il apparaît qu’une solution déterminante pour vaincre le virus a été identifiée. Comme vous le savez, le virus est aérosol. Il se transmet essentiellement par les postillons, et donc les voyelles sont totalement innocentes. Seules les consonnes sont coupables. Aussi avons-nous décidé de bâtir un plan de révision phonétique étalé sur quatre semaines, remettant en cause l’usage des sonorités occlusives, également appelées, à juste titre, explosives, ainsi que de certaines fricatives.
Semaine une, nous allons dans un premier temps supprimer les occlusives labiales « Pe » et « be », au profit de la nasale « me ». Conséquence, mrès de soixante-dix mour cent des mostillons sont éliminés, et de mlus on a constaté qu’ainsi la diction gagne meaucoup en soumlesse.
Semaine deux, c’est au tour des occlusives dentales « de » et « te », remmlacées mar la nasale « ne ». C’est mlus nifficile, il faunra un cernain nemps mour s’y habinuer, mais une semaine nevrait suffire.
Semaine nrois, les nernières occlusives nismaraînront, à savoir les vélaires que sont les sons « ke » et « ge » nurs, comme nans « gaga », remmlacés mar la nasale « nie ». Nous omniennrons alors un laniage, meaunieux mlus séniurisé ni nevrait mermenre ne rénuire la nisnance marrière à nianre-vingt nouze cennimènres.
Mour finir, la semaine nianre, la mesure la mlus nrasninie, nionsisnera à éliminer les frinianives nionninues « ve », « fe », « se » et « ze », ainri nie les frinianives chuinnannes « Je » et « che », aunielles re rumrninura la renianie rimrane « re ».
Rers niomanriones, merri ne ronre annenrion, Rire la Rémumlinie, rire la Ranre !
Publié le 11/11/2020
Beaucoup trop de cynisme, n'est-ce pas Mr Wilde ?
Le cynisme, de nos jours, n’a plus grand-chose à voir avec ce que les philosophes grecs qui ont fondé cette école de pensée avaient en tête. Antisthène, Diogène, et ceux qui les ont suivis, offraient là une proposition visant à développer la sagesse. Proposition qui s’appuyait sur le recours à la contestation, à une totale liberté d’esprit, et au chamboulement de tout conformisme, de tout modèle moral. Provoquer l’ordre établi, mendier, ne pas respecter les règles sociales… jusqu’à se promener nu dans la rue et pisser et déféquer comme le ferait un chien, est bien au programme des Cyniques. Un nom qu’ils doivent au terme grec ancien kuôn, qui signifie précisément « chien ».
Il n’est plus guère question d’une quelconque quête de sagesse dans le cynisme moderne, désormais plus proche de l’ironie et du sarcasme. Et ceux qui le pratiquent font surtout montre de mépris et d’agressivité, ce qui le rend difficilement supportable.
Et je retiendrai volontiers l’excellente définition que donnait Oscar Wilde du cynique :
«Un homme qui connaît le prix de chaque chose et la valeur d'aucune !»
Ce qui colle très bien avec la chronique présente. Mais venons-en d’abord au fait.
Un reportage télévisé, présenté ce matin dans un journal d'informations, était présenté comme un « fantastique exemple de solidarité des grandes surfaces à l’égard des petits commerces ». Titre accrocheur, il est vrai, car d’emblée suspect, compte tenu de la pauvre réputation desdites grandes surfaces en matière de compassion sociale.
Cela se passe en région parisienne. La jeune propriétaire d’une boutique de jouets qui a été fermée, confinement oblige, a été généreusement invitée à s’installer dans une grande enseigne Monoprix. Devant les caméras, la jeune femme témoigne. Elle est reconnaissante au propriétaire du grand magasin pour son initiative. Mais on la sent peu enthousiaste, je dirais même déboussolée. Puis arrive le gérant de l’établissement, expliquant avec une fierté non dissimulée son geste altruiste : « Nous ne sommes pas concurrents, et il faut bien s’entraider ». Sic !
Déboussolés, nous le serions à moins !
Comment expliquer que cette vendeuse de jouets serait moins « dangereuse » (sur le plan sanitaire) dans un Monoprix (où le flux de clientèle est tout de même conséquent) que dans sa petite boutique ? Pourquoi l’autoriser à vendre ici et pas là ?
Cette question vaut bien sûr pour tous les autres magasins et la forme de confinement qu’a imposée le gouvernement. Chacun a compris que ce ne sont pas ces magasins, respectueux des consignes sanitaires (et qui ont beaucoup investi en ce sens), qui sont à l’origine des nombreuses contaminations.
Dans le cas du reportage de ce matin, le cynisme semble poussé à l'extrême. Quel est le véritable intérêt du gérant de ce Monoprix ? N’est-ce pas d’avoir trouvé le moyen de commercialiser des jouets, alors qu’il est supposé ne pas le faire, justement par solidarité ? Pile au moment de la préparation des fêtes de Noël, et se donnant ainsi le moyen d’attirer encore plus de clients dans son établissement ? Solidarité ou opportunisme ? Comment le journaliste responsable de ce reportage, et celui qui le diffuse ou le commente, peuvent-ils ne pas se poser la question ?
Les grandes enseignes ne reculent devant rien. La preuve, les campagnes d’affichage en ce moment, pour la vente des jouets… dans les grandes enseignes comme Auchan et d’autres.
Sommes-nous bien conscients de ce qui se joue-là ? « À qui profite le crime ? ». Qui profitera de la disparition programmée de ces centaines de petits commerces, sinon les géants de la vente par Internet et les actionnaires des grandes enseignes ? Nombre d’emplacements seront à vendre dans les centres-villes, précieux pour implanter des points relais de la vente par Internet ou des mini-surfaces type Monop ou City, qui se comptent pourtant déjà par centaines. D’importantes sociétés se frotteront les mains. Françaises, étrangères, peu respectueuses des règles sociales, si on en juge par la façon dont elles limitent si bien leurs contributions fiscales.
De la même manière, sur une autre chaîne, nous pouvions assister au désarroi d’un restaurateur, installé depuis plus de vingt ans, contraint de fermer, et qui contemplait, la gorge nouée, l’interminable file de voitures devant un Mac Do, une centaine de mètres plus loin.
A moins qu'il ne s'agisse, plus simplement, d’une mutation générale du commerce ? fini la petite échoppe de proximité, fini la « complémentarité » entre les boutiques locales spécialisées et la vente par internet ; le monde de demain se composera, d’un côté de magasins généralistes de « grande consommation » (mini grandes surfaces), de l’autre, des mêmes sur Internet.
Si tel est le cas, il serait plus honnête de cesser de verser des larmes hypocrites sur le sort peu enviable réservé aux restaurateurs et aux petits commerces ! Ne tombons pas dans le piège d'un cynisme insupportable.
Outre-Atlantique, le langage trumpiste a au moins l’avantage d’être franc : You’re fired ! (Vous êtes viré !)
C'est sans doute l'occasion de rappeler cette définition du comble du cynisme, donnée cette fois par Alphonse Allais :
<< Assassiner nuitamment un boutiquier, et coller sur la devanture : « fermé pour cause de décès ». >>
Publié le 10/11/2020
Lorsque littérature et philosophie viennent au secours des belles idées
En complément de mes deux chroniques du 24 octobre (De l’ombre à la lumière) et du 3 novembre (Liberté de conscience, liberté d’expression. Un nécessaire débat), qui faisaient elles-mêmes suite au meurtre du professeur Samuel Paty, je viens de découvrir, parmi les textes proposés aux enseignants par l’Éducation Nationale, sur le thème de la liberté d’expression, cette pépite de la philosophe française Simone Weil (à ne pas confondre avec la femme politique Simone Veil), agrégée de philosophie à l’âge de 22 ans ( !), résistante dès les premières heures de la guerre, et hélas ! décédée très jeune (34 ans) en 1943.
L’E.N. doit être félicitée pour la pertinence de son choix. Le court passage proposé est tiré d’un essai intitulé (si justement) L’Enracinement. Il a été publié en 1949, à titre posthume, accompagné d’un sous-titre : Prélude à une déclaration des devoirs envers l'être humain, qui résume parfaitement le projet de son auteur. Il s’agissait d’une commande du général De Gaulle, désirant un rapport préliminaire à la reconstruction morale de la France. L’opuscule a été publié chez Gallimard, dans la collection Espoir, créée pour lui par Albert Camus. Dans la présentation du texte, il est encore précisé que L’Enracinement a reçu un accueil élogieux des lecteurs, ainsi la philosophe Hannah Arendt qui l’a jugé comme « l’un des ouvrages les plus lucides sur son temps ».
Voici l’extrait que je souhaite partager avec vous :
<< Une nourriture indispensable à l'âme humaine est la liberté. La liberté, au sens concret du mot, consiste dans une possibilité de choix. Il s'agit, bien entendu, d'une possibilité réelle. Partout où il y a vie commune, il est inévitable que des règles, imposées par l'utilité commune, limitent le choix. Mais la liberté n'est pas plus ou moins grande selon que les limites sont plus étroites ou plus larges. Elle a sa plénitude à des conditions moins facilement mesurables. Il faut que les règles soient assez raisonnables et assez simples pour que quiconque le désire et dispose d'une faculté moyenne d'attention puisse comprendre, d'une part l'utilité à laquelle elles correspondent, d'autre part les nécessités de fait qui les ont imposées. Il faut qu'elles émanent d'une autorité qui ne soit pas regardée comme étrangère ou ennemie, qui soit aimée comme appartenant à ceux qu'elle dirige. Il faut qu'elles soient assez stables, assez peu nombreuses, assez générales, pour que la pensée puisse se les assimiler une fois pour toutes, et non pas se heurter contre elles toutes les fois qu'il y a une décision à prendre. À ces conditions, la liberté des hommes de bonne volonté, quoique limitée dans les faits, est totale dans la conscience. >> L’enracinement, 1ère partie (Les besoins de l’âme), section « La liberté ».
Publié le 08/11/2020
Élections américaines : ne boudons pas notre bonheur
En cette période où les informations les plus sombres monopolisent les medias, réjouissons-nous pleinement des quelques bonnes nouvelles lorsqu’elles se présentent enfin. Enfin, cela ne vaut dans le cas présent que pour ceux qui espéraient la victoire de Joe Biden aux élections présidentielles américaines ou, plus précisément, la défaite de Donald Trump.
Il est difficile, en effet, de s’enthousiasmer à propos du candidat démocrate. Son parcours politique est émaillé d’incidents et de maladresses, remettant parfois en cause son sens des réalités, son efficacité, au point même d’avoir reçu le surnom de Joe le gaffeur. En même temps, il a eu le courage de reconnaître ses erreurs passées et de s’employer à ne pas les répéter, ce qui témoigne d’une certaine intelligence et de courage. Ce qui lui manque probablement le plus, en fait, surtout aux yeux d’un électorat en quête de héros, c’est de la brillance. Biden est loin de posséder le charisme d’un Kennedy ou d’un Obama ; et même d’un Trump, en tout cas du point de vue d’une large partie de la population. Cela a d’évidence contribué au terrible suspense de ces élections.
Aussi, pour ne pas bouder notre plaisir à l’annonce du résultat des suffrages américains, il est plus tentant de penser au départ de Trump de son poste à la Maison blanche. Un départ qui, pour beaucoup, apporte un grand soulagement. En effet, qu’auraient apporté à l’Amérique et au monde entier quatre années supplémentaires de présidence Trump ? Les interrogations étaient pourtant déjà nombreuses à son sujet :
- le fait qu’un homme placé à de telles fonctions puisse se montrer aussi irresponsable, préférant, plutôt que de se documenter sur les affaires de son pays, partager son temps entre jouer au golf et regarder la télévision ?
- l’admiration pour un président pris si souvent en flagrant délit de mensonge (Le Post a cessé d’en faire le compte, après avoir dépassé la barre des 20 000 sur les quatre années de présidence), de diffamations, d’insultes, de méconnaissance totale de ses dossiers, de déni des experts et spécialistes sur des sujets auxquels lui ne connaît rien, d’incitation à la haine et au racisme, de propos sexistes, etc. Il a pu, malgré tout, occuper ses fonctions, (sans donc être destitué, cf. la mesure d’impeachment à laquelle il a échappé de peu), mais aussi et surtout élargir encore sa base électorale, comme en témoigne le nombre plus important de voix (72,6 millions) qu’il emporte par rapport à il y a quatre ans.
- même s’il n’est pas le premier homme politique américain dans ce cas, l’élection de Trump en 2016 a été rendue possible par le seul fait de s’être rendu célèbre dans une émission de télé-réalité. Une série où il passait son temps à dire à des candidats : you’re fired ! (Vous êtes viré !), qui a permis d’entretenir sa réputation (caricaturale) de grand homme d’affaires, alors que celle-ci est grandement usurpée. Ce n’est pas à ses affaires que Trump doit sa fortune personnelle (1,5 milliards$), mais bien à son héritage familial. La réalité veut qu’il a au contraire mené bon nombre de ses entreprises (immobilier, casinos, golfs…) à la faillite ! (Son endettement est estimé à 0.5 milliard$). Les « vrais » magnats américains que sont Bezos, Gates, Buffett, Ellison, Zuckerberg, Bloomberg, Page, Charles et David Koch… pour ne citer que les plus connus, ont une fortune 40 à 90 fois supérieure à la sienne, et ont créé des entreprises colossales, mondialement implantées. Le seul symbole de Trump qui ait « pignon sur rue », reste la Trump Tower, verrue obscène de 58 étages, élevée à l’effigie de son propriétaire, dans la 5ème avenue à New York. C’est pourtant sur cette légende qu’il continue de surfer, se vantant de mieux gérer l’Amérique que personne d'autre avant lui. Un discours repris en cœur par de nombreux économistes (y compris européens), alors qu’en réalité la relative meilleure économie américaine s’explique à la fois par les mesures mises en place par Obama (qui profitent à son successeur) et à la politique internationale fortement protectionniste de Trump. La rupture houleuse, souvent brutale, de nombreuses relations établies jusque-là, notamment avec la Chine, a en effet favorisé la relance et l’emploi au sein de beaucoup d'entreprises américaines. Mais plusieurs entreprises nationales, celles très dépendantes des importations, ont en revanche fortement souffert du fait de l’impossibilité de s’approvisionner et/ou de la forte hausse des taxes. Quant à l’endettement du pays, il atteint désormais des sommets ! Peut-on, dès lors, vraiment parler de succès économique ?
- qui aurait parié sur un responsable de cette stature internationale, capable à la fois de nier les effets du réchauffement climatique (et les Accords de Paris), de s’opposer à la lutte contre la pandémie du coronavirus, de retirer le soutien et l’implication de son pays au sein d’organismes internationaux comme l’UNESCO, l’OMS et le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU ? Pourtant, cette politique de l’America First et des économies qu’elle génère en apparence pour le pays a rencontré un formidable soutien de la part de nombre d’Américains. Je précise « en apparence », car la facture due aux multiples incidents climatiques (ouragans, incendies…) et à la covid 19, aurait pu être réduite, s’il avaient été mieux gérés. (Quant aux familles des centaines de milliers de victimes, leur soutien à Trump est probablement moins certain.)
- le sentiment que l’on ne tire aucune leçon de l’histoire, même récente, de notre humanité. Au cours de celle-ci, d’autres hommes d’État du même acabit ont déjà sévi. Y compris « à l’Est » (je pense ici à Mao, en Chine, ou à Staline, en Russie). Des individus à l’équilibre mental inquiétant ; souvent très peu éduqués, sans esprit d’ouverture ; incapables d’empathie et à l’ego démesuré ; ayant des « visions » très personnelles sur le monde et la façon dont il devrait être mené, au point de refuser tout avis contradictoire, fût-il émis par les plus éminents intellectuels ou spécialistes ; ouvertement populistes (dans la mauvaise acception du terme) envers des « masses » qu’ils méprisent ; prompts à requérir et/ou encourager la violence ; aimant se mettre en scène à la façon d’idoles ou de super-héros.
[Rappelons ici cet épisode ahurissant où Trump, à sa sortie de confinement, après avoir contracté la Covid, avait demandé à pouvoir porter un costume de Superman sous son éternel costume bleu nuit et sa chemise blanche. Il voulait, une fois devant les caméras, arracher ses vêtements et exposer sa tenue de super-héros, à la façon dont celui-ci le fait dans les bandes dessinées (dont M. Trump se dit friand). Cette « victoire de Trump sur l’infâme virus » est d’autant plus remarquable qu’il est peu sportif, présente un fort surpoids, et est âgé de 74 ans (Trump, pas le virus
N’est-ce pas pourtant la répétition inquiétante d’un schéma dont les effets destructeurs ont laissé des traces ineffaçables dans notre histoire collective ?
Sans bouder le plaisir de cette éviction de Trump de la présidence américaine, nous devrons garder en tête, Joe Biden le premier, ces multiples interrogations. Car elles sont le signe que le Trumpisme n’a pu exister (et existe encore) dans ce pays, que parce qu’il y trouve de puissantes et anciennes racines. Nationalisme (priorité nationale), conservatisme, supériorité blanche, ultra-libéralisme, réussite symbolisée par la fortune, modèle du super-héros et loi du plus fort ou de celui qui « tire le premier » forgent une solide politique identitaire que Trump a su, comme personne, promouvoir en brisant toutes les règles du débat public et en se servant des réseaux sociaux (schématiquement : Twitter pour les journalistes, Facebook pour le reste de la population), auprès de la communauté blanche, y compris les familles les plus pauvres (craintives de l’incertitude de leur proche avenir), ou même de minorités traditionnelles, comme les Latinos issus de Cuba. Son habit de Superman, Trump l’a enfilé jour après jour durant ces quatre ans, réussissant, malgré ses outrances, sa malhonnêteté, son manque total d’éducation et de culture, l’incroyable pari d’incarner le « Rêve américain ». Un super-héros capable de sauver l’Amérique, en particulier face à la « menace chinoise ». Les boucs émissaires que Trump n’a cessé de pointer du doigt (Europe, Iran, Russie, Chine, Corée, Mexique…) sont peu à peu devenus les ennemis d’une nation désireuse de conserver sa position dominante sur le monde. Ce qui est en jeu, encore et toujours, est bien « la loi du plus fort ».
Biden et son équipe vont au moins pouvoir profiter de ces moments de liesse que justifie pleinement une victoire aux élections, dans de telles conditions. Car, après tout, ils sont eux aussi représentatifs d’une Amérique, d’évidence très différente et en profond désaccord avec celle de Trump. Or, cette Amérique-là, les urnes en témoignent, apparaît majoritaire. Et cette fois, il s’agit de « la loi de la démocratie » !
Publié le 08/11/2020
Donald Trump et Scott Morrison sont dans un bateau…
En vue du prochain sommet sur le climat, en décembre, l’Australie s’est curieusement vue « rappelée à l’ordre » par… la Grande Bretagne. Une lettre de Boris Johnson, co-signée par la France et l’Italie, mais aussi par le Secrétaire Général de l’ONU, encourageant le Premier ministre Scott Morrison à prendre davantage de mesures en faveur de l’environnement.
Suite aux Accords de Paris, 70 pays et 400 villes à travers le monde militent en faveur du « Zéro carbone » d’ici 2050. Mais l’Australie a refusé cet objectif et préfère s’engager sur une baisse de 26% de ses émissions carbone d’ici 2030. Au sein de l’alliance anglo-saxonne des Five Eyes (USA, GB, CAN, AUS, N-Z), les résultats ne sont pas brillants. Les États-Unis se sont, comme chaque fois sur ce sujet, montrés les moins engagés, alors que l’Australie a tout de même réduit de 13% ses émissions entre 2005 et 2018, beaucoup mieux que la Nouvelle-Zélande (à peine 1%) et le Canada (0%).
Un sommet organisé au beau milieu de l’Arctique aiderait peut-être ces dirigeants récalcitrants à mieux prendre conscience de la gravité de la situation et de la lourde responsabilité qu’ils portent sur l’avenir à moyen terme de notre planète.
Là-bas, ils découvriront une menace à laquelle très peu de medias s’intéressent (et encore moins de politiques), et qui devrait pourtant être prise très au sérieux : l’effet Albédo ! L’Albédo est un indice de mesure du pouvoir réfléchissant d'une surface (pour les plus savants : le rapport de l'énergie lumineuse réfléchie à l'énergie lumineuse incidente). Sa valeur est comprise entre 0 et 1. 0 étant un noir total qui absorbe tous les rayons, et 1 (ou 100%) un effet miroir total de réflexion des rayons solaires. Le cycle infernal enclenché en Arctique (et ailleurs) est le suivant : plus il fait chaud, plus la glace et la neige fondent pour laisser apparaître la mer et la terre dont l’effet Albédo est très inférieur. Exprimé en pourcentage, une épaisse couche de glace a un effet Albédo de 90%, tandis que celui de la surface de l’eau n’est que de 6%. De ce fait des millions de kilomètres carrés voient leur pouvoir réfléchissant diminuer, et contribuent ainsi à… accélérer l’augmentation des températures ! Ceci explique que la température en Arctique augmente 2,5 fois plus vite que n’importe où ailleurs sur la planète. Ainsi, la banquise perd continuellement de son étendue et de son épaisseur. Le CNRS a mesuré qu’au cours des dernières décennies, la surface couverte par la glace estivale a décliné d’environ 50 %, et cette glace avait perdu 40 % de son épaisseur. À ce rythme, d’ici 10 ans, la banquise aura probablement disparu lors des étés arctiques. Les climatologues observent que ce phénomène a de graves répercussions sur le climat du monde entier, y compris en Europe, du fait du ralentissement du vortex polaire.
À cela s’ajoute la question extrêmement grave du Permafrost (Pergélisol en français). Ces immenses surfaces (25% des terres émergées de l’hémisphère Nord) qui restent gelées en permanence. Dans les pires scenarii, leur fonte (due au réchauffement climatique) ne devait pas intervenir avant 2090. Or, non seulement elle a largement commencé, mais en de nombreux points elle accélère anormalement (phénomène particulièrement visible en Alaska et dans les îles arctiques du Canada où les indices de dégels moyens sont 150 à 240 % supérieurs à la normale). Ce phénomène inquiète grandement les scientifiques qui le surveillent, l’analysent et produisent des rapports en conséquence (la question étant sans doute : y-a-t’il quelqu’un pour lire ces rapports ?).
Pourtant, non seulement la fonte du permafrost est une menace pour les zones côtières des régions concernées, forcément peuplées, du fait des activités de pêche, mais elle devrait entraîner la libération de plusieurs éléments dont nous nous serions bien passé.
En premier lieu, d’énormes réserves de… carbone, qui viendront s’ajouter aux excédents que nous devons combattre. Le permafrost est rempli de tonnes de matières organiques et végétales. En fondant, c'est comme si l’on ouvrait la porte d'un congélateur géant. Les microbes dégradent ces matières et les transforment en CO2. Or, ces zones renferment 1.700 milliards de tonnes de carbone, soit environ le double du dioxyde de carbone (CO2) déjà présent dans notre atmosphère.
Mais le tableau ne s’arrête pas là. Et il devrait pourtant réussir à faire se dresser ses étranges cheveux sur la tête de Donald Trump, climato sceptique de nature.
En effet, le pergélisol est aussi une immense réserve de virus et de bactéries, dont certains ont depuis longtemps été rayés de nos mémoires. Un incident récent illustre l’inquiétude des scientifiques : au cours de l'été 2016, en Sibérie, un enfant a succombé à la maladie du charbon (anthrax), pourtant disparue depuis 75 ans dans cette région. Ce drame est très probablement dû au dégel d'un cadavre de renne mort de l'anthrax il y a plusieurs décennies. Libérée, la bactérie mortelle, qui se conserve dans le permafrost pendant plus d'un siècle, a réinfecté des troupeaux. Des chercheurs ont également découvert deux types de virus géants, dont l'un vieux de 30.000 ans, conservés dans le permafrost.
Le comble, est que la fonte du permafrost a rendu plus accessibles les régions arctiques pour l'industrie minière et pétrolière. Des programmes que, en revanche, Trump, Morrison et beaucoup d’autres (Russes, Chinois, Norvégiens…) encouragent volontiers. Pour cela, ils font fi de l’alerte lancée par les scientifiques, qui préviennent que plusieurs de ces virus pourraient se réveiller si les hommes fouillent les sous-sols trop en profondeur.
Alors ?
M. Trump et M. Morrison sont dans un bateau… Publié le 04/11/2020
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